Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles - "On devrait toujours être légèrement improbable"

 OSCAR WILDE ET LE MEURTRE AUX CHANDELLES«On devrait toujours être légèrement improbable»
(Aphorisme – Oscar Wilde)


Oscar Wilde, nouvel Hercule Poirot dans la collection «Grands détectives» ? Improbable mais vrai. L’idée m’a laissée sceptique dans un premier temps car utiliser un personnage ayant réellement existé et qui plus est un personnage de l’envergure d’Oscar Wilde, n’est pas sans danger. Les libertés romanesques face à l’Histoire sont particulièrement horripilantes et me hérissent le poil. Aussi ai-je commencé cette enquête avec pas mal d’a priori et des pincettes.


Elémentaire, mon cher Sherard !

L’histoire commence le 31 août 1889 à Londres lorsqu’Oscar Wilde découvre le corps mutilé du jeune Billy Wood dans une chambre de Cowley Street à la lueur d’une demi-douzaine de chandelles. Ce meurtre affecte l’auteur qui décide de rendre justice à celui dont la beauté et la jeunesse l’avaient tant ému. On comprend rapidement que cette émotion se double d’un autre sentiment moins avouable à l’époque. Le narrateur n’est autre que Robert Sherard, un des plus fidèles amis d’Oscar (il est l’un des premiers à lui rendre visite lors de son incarcération en 1895) et l’auteur d’une biographie du dramaturge (1). Une fois le premier choc passé, Wilde décide de retourner sur les lieux du crime et de prévenir la police. Un second choc l’attend : le corps, le sang, les chandelles et l’encens ont disparu. Il n’a donc plus aucune preuve qu’un crime ait été commis. C’est sans compter sur le caractère têtu de cet Irlandais bien décidé à rendre justice au jeune homme. Pour cela, il est accompagné de Sherard, amoureux de l’amour et poète désargenté mais aussi du docteur Conan Doyle qui vient tout juste de publier les premières aventures de Sherlock Holmes. Qui s’inspire de qui ? Mais Oscar Wilde mène l’enquête façon Sherlock accompagné de Sherard dans le rôle du docteur Watson. Les analyses et déductions sont stupéfiantes voir un peu trop mais permettent à l’histoire de rebondir. Finalement, on ne découvre vraiment le coupable que dans les vingt dernières pages et même si nous avions des soupçons, le dénouement reste surprenant.

L’enquête se déroule sur 5 mois ce qui change des affaires réglées en deux coups de cuillère à pot. Ce laps de temps nous permet de mieux cerner le personnage d’Oscar Wilde : généreux à l’excès, c’est un panier percé qui dépense sans compter pour ses amis, loufoque, extravagant, volubile, il séduit tous ceux qui l’approchent. Au moment où se déroule l’histoire, il est en pleine rédaction du Portrait de Dorian Grey, œuvre alimentaire puisque le boucher lui refuse un gigot mais qui fera de lui l’un des plus grand écrivains de la fin du XIXe siècle.

Gyles Brandreth aborde bien évidemment le thème de l’homosexualité, difficile de s’en passer en prenant Oscar Wilde comme héros, mais il le fait à la façon victorienne c’est-à-dire sans jamais utiliser le terme d’homosexuel mais en utilisant les expressions d’usage à l’époque comme «inclinaison sexuelle déviante» ou encore «sodomite», terme qu’utilisera d’ailleurs le marquis de Queensberry dans le message laissé à l’Albermarle club. Après avoir perdu le procès en diffamation, Oscar Wilde se retrouvera sur le banc des accusés et sera condamné à deux ans de prison en 1895 (2).

Malgré les réserves de départ, force a pourtant été de constater que le pari a été tenu par Gyles Brandreth : ce passionné d’Oscar Wilde s’est bien documenté sur le personnage et nous fournit des notes biographiques détaillées montrant le sérieux de ses recherches en ce qui concerne Oscar Wilde mais aussi le narrateur, l’un de ses amis les plus proches, Robert Sherard. Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles est donc le premier tome d’une série qui devrait se poursuivre et dont le deuxième tome est disponible : Oscar Wilde et le jeu de la mort (3).


Julie Lecanu

(1) Robert Sherard, Oscar Wilde, the story of an unhappy friendship, 1905.
(2) Richard Ellmann, Oscar Wilde, Gallimard, « Biographie », 1998, pour une biographie du dramaturge. Lecture à compléter par le recueil d’image de l’unique petit-fils d’Oscar Wilde, Merlin Holland. Rappelons que suite au procès, sa femme et ses deux fils s’étaient exilés en Allemagne où ils avaient changé de nom. Merlin Holland, L’album d’Oscar Wilde, édition Le Rocher, 2000.
(3) Gyles Brandreth, Oscar Wilde et le jeu de la mort, 10/18, « Grands Détectives », février 2009.

Gyles Brandreth traduit de l'anglais par Jean-Baptiste Dupin,  Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles, 10/18, « Grands détectives », février 2009 (1re édition mars 2008), 385 pages, 13,50 €.

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