" Le brasier de justice" - les enquêtes de M. Mortagne, bourreau, la nouvelle saga d'Andréa H. Japp


LE BRASIER DE JUSTICEAndrea H. Japp est de retour avec une nouvelle fresque historique, Les Enquêtes de M. de Mortagne dont Le Brasier de justice est le premier tome. On y retrouve l’ambiance des les mystères de Druon de Brévaux et le style si particulier d’Andrea H. Japp. L’originalité de cette nouvelle série repose sur le personnage principal qui n’est autre que le Maître de Haute Justice de Mortagne, Hardouin Cadet-Venelle. 

Que la Justice soit rendue aux innocents

1305, Mortagne-au-Perche. M. Justice de Mortagne, Hardouin Cadet-Venelle de son vrai nom, exerce son métier avec professionnalisme et précision. Contraint de reprendre la charge de bourreau à la mort de son frère aîné, il torture et exécute sans gêne ni satisfaction en tant que bras vengeur de Dieu et du roi, instrument d’une justice rendue par les autres. Jusqu’au jour, où il sangle au bûcher la jeune et belle Marie de Salvin, jugée coupable d’avoir gravement calomnié un noble en l’accusant de viol. La victoire de son violeur sur son mari lors d’un duel à outrance a signé son arrêt de mort. Jusqu’au bout, Marie de Salvin clame son innocence et pour la première fois, le bourreau a un doute. Ce doute est confirmé lorsqu’il surprend le violeur de Marie se vantant de ses exploits dans une taverne. Cadet-Venelle décide de laver son honneur. Rétablir la justice devient pour lui une nécessité. Le désir de rédemption, le lien naissant, particulier et confidentiel avec Dieu poussent Hardouin à enquêter sur d’anciennes exécutions. L’enquête qu’il mène sur Evangeline Caquet, exécutée pour meurtre, va le mener sur les traces d’un tueur d’enfants. 

Bourreau de père en fils
     
C’est une fois encore avec brio qu’Andrea H. Japp retrace l’ambiance, les lieux, les coutumes, les façons de faire d’un Moyen Age dont on ignore beaucoup. On en apprend plus sur le rôle et la fonction du bourreau ou maître de la Haute Justice comme ils préféraient se faire appeler. Chargés d’exécuter les décisions de la Justice des Hommes et de Dieu, les bourreaux constituent une caste d’intouchables. Indispensables, ils étaient pourtant rejetés par les autres et ne pouvaient épouser que des filles de bourreaux. Bien qu’il y eu des « bingres », c’est-à-dire des bourreaux occasionnels, la fonction se transmettait de père en fils créant ainsi de véritables dynasties. Ils ne pouvaient sinon exercer que des métiers en rapport avec la mort, équarisseurs, étrangleurs de chiens errants ou encore chirurgiens, métier tout autant méprisé mais dont on confiait également la charge aux bourreaux étant donné leurs bonnes connaissances en anatomie. La société médiévale se montrait donc assez hypocrite : rejeté, un bon bourreau, tuant proprement, torturant efficacement, pouvait être mandé à l’autre bout de la France et l’on était prêt à lui offrir le doublement de ses gains. Ils cachaient leur visage sous un masque de cuir noir pour préserver leur anonymat et pourtant on les forçait à porter une marque distinctive, le baston.

On en apprend également beaucoup sur la Justice et son fonctionnement au XIVe siècle : si la Question est un phénomène connu, certaines pratiques sont plus étonnantes ou moins connues. Le duel à outrance, c’est-à-dire à mort, était un moyen de déterminer l’innocence ou la culpabilité d’un homme par la volonté de Dieu : la victoire prouvait moins l’innocence que des qualités de bretteur. Les exécutions étaient un spectacle populaire : variées, elles dépendaient du rang social du condamné et de la nature du crime. Les nobles avaient ainsi le droit à une mort rapide par décapitation tandis que les plus pauvres étaient pendus haut et court sauf si l’on était une femme. Pour éviter que leurs jupons ne se soulèvent sur le gibet, on les enterrait vivantes. Le tribunal pouvait ou non alléger les peines par un retentum comme par exemple étrangler le condamné avant que le bûcher ne se soit allumé. Inversement, émasculation, écartèlement et autres réjouissances pouvaient être appliqués avant l’exécution proprement dite. L’art du bourreau est un art subtil et varié !

Andrea H. Japp emboîte comme à son habitude, les intrigues. Si le fil conducteur du tome est le meurtre des enfants de Nogent le Rotrou, l’intrigue principale porte sur le lien au-delà de la mort qu’entretiennent le bourreau et Marie de Salvin. L’auteur laisse assez de pistes pour nous mettre l’eau à la bouche. Espérons qu’il ne faudra pas attendre trop longtemps pour retrouver ce bourreau auquel nous nous sommes attachés. 


 Julie Lecanu

Andréa H. Japp,  Les enquêtes de M. Mortagne, tome 1 :  Le brasier de justiceFlammarion, Octobre 2011, 416 pages, 21 € 

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