Wytches, tome 1

Partout dans le monde, depuis la nuit des temps, des hommes et des femmes ont été massacrés, torturés ou brûlés pour sorcellerie. Mais aucun d'entre-eux n'étaient réellement des sorcières. Ils sont morts pour protéger un sombre secret : les sorcyères, les vrais sorcières, existent. Elles vivent depuis la nuit des temps, tapies dans les bois et prêtes à se nourrir des désirs enfouis dans le cœur des hommes…


Après les suceurs de sang (American Vampire) et les tueurs psychopathes (le one-shot Severed), déjà deux figures mythiques du répertoire fantastique, Scott Snyder nous embarque cette fois-ci dans la campagne profonde, au cœur des terreurs les plus enfouies de l'Amérique. Au programme : sorcières d'un genre nouveau (oubliez les balais et les chapeaux pointus), rednecks, forêts sinistres, grottes sacrificielles et lourds secrets inavouables. Tous ici réunis sous les pinceaux d'un époustouflant Jock qui signe ici le meilleur travail de sa carrière (ses planches dans la forêt sont tétanisantes), à base de dessins, d'aquarelles, de trames et d'acryliques.


Scott Snyder (qui officie aussi en ce moment et avec le succès qu'on connaît sur les séries Batman et Batman Eternal) nous met dans l'ambiance, lugubre au possible, dès la scène d'introduction, et pratique l'art du crescendo en convoquant les pires démons de l'Amérique, entre la famille minée et son passé peu glorieux.


Le récit déroule sa logique implacable via de nombreux flash-back imbriqués mais parfaitement maîtrisés, avec pour objectif majeur de nous plonger dans les tourments de cette famille, plus précisément de ce père, à force de rebondissements et de méchanceté concentrée. Le lecteur éprouve la sensation d'être « engoncé » lui aussi dans une situation implacable, réduite à l'échelle d'une petite bourgade et de sa forêt maudite.


Très bonne idée de la part de l'éditeur français d'avoir traduit les postfaces de Scott Snyder : elles éclairent son travail (on se rend compte à quel point Wytches plonge ses racines dans l'enfance du scénariste, mais aussi son quotidien), mais pas seulement. Car elles révèlent les liens étroits entre Scott Snyder et Stephen King. L'ombre de ce dernier semble planer au-dessus de la carrière de Snyder, puisque sa première histoire d'horreur est un livre de King, et que son premier succès éditorial (American Vampire) a été co-écrit avec le King. Et, ce n'est pas surprenant, Wytches entretient pas mal de points communs avec l’œuvre de celui qu'on a surnommé le « maître de l'horreur ».


Explicitement violent et foncièrement pernicieux, ce cauchemar tire le meilleur parti de son décor (la forêt, la campagne), et du travail visuel de Jock, concourant à nous plonger dans les affres les plus profonds de la parentalité tout au long de ses six épisodes exempts de tout humour. Une histoire adulte, ce n'est pas peu de le dire, qui confirme tout le talent d'un Scott Snyder décidément en très grande forme, toujours aussi efficace sur ce genre de récit complet, et qui de récits en récits construit une œuvre impressionnante de cohérence (il y aurait nettement matière à faire une étude de son travail). Quand la forme, le fond et les thèmes s'harmonisent à ce point, et qu'en plus l'histoire est passionnante de bout en bout, j'appelle cela un chef d’œuvre.



Stéphane Le Troëdec




Scott Snyder (scénario), Jock (dessins)

Wytches, tome 1

Édité par Urban Comics (13 novembre 2015)

Collection Urban Indies

160 pages couleurs, papier glacé, couverture cartonnée

10,00 euros (prix de lancement, jusqu'au 31 décembre 2015)

EAN : 9782365777049

1 commentaire

ça donne envie ! En tout cas les illustrations ont l'air magnifiques

Julie, spécialiste vente à domicile