"La maison des derviches", le futur sera-t-il turc?

 

Auteur irlando-écossais, Ian McDonald publie des romans depuis 1988 (Desolation Road). En France, son dernier roman, Le fleuve des dieux a rencontré l’adhésion du public. Ce dernier livre immergeait le lecteur dans une Inde futuriste, balkanisée et en proie à la sécheresse. Avec La maison des Derviches, il s’attaque à Istanbul et la Turquie et nous plonge directement dans cet univers à la fois proche et différent du monde occidental.


Un roman foisonnant à la narration polyphonique


La maison des derviches possède pas moins de 6 personnages principaux. On compte Leyla, jeune cadre spécialisée dans le marketing, le jeune Necdet plutôt perturbé, qui a fui son village après avoir défiguré sa sœur ; il y aussi l’antiquaire Ayse qui se voit chargée de retrouver une légende, l’homme mellifié, et son mari Adnan, un trader qui trafique avec l’Iran coupé du monde par le blocus imposé depuis le bombardement de ses installations nucléaires par Israël. Quant à George Ferentinou, il est grec, ancien professeur d'économie expérimentale, rongé par le remords d’une faute commise autrefois et le manque de reconnaissance. Il entretient une relation filiale avec le jeune Can, un enfant dont le cœur ne supporte pas la moindre émotion violente.


Nous avons donc affaire à une narration à plusieurs voix, une structure à la mode dans la littérature contemporaine et qui a contaminé la littérature de science-fiction. Tous ces personnages, qui résident ou sont liés à la fameuse maison des derviches - ancienne confrérie religieuse turque -, vont être liés par un évènement : une femme se fait exploser dans un tramway. Suite à cet attentat, des évènements insolites se produisent. Par exemple Necdet commence à voir des djinns. Au fur et à mesure de la lecture, un autre personnage s’impose : Istanbul.


Mariage entre la tradition et la modernité


La maison des Derviches est aussi le portrait d’une ville, de son histoire qui imprègne chaque rue, de ses légendes (le fameux homme mellifié, lié à une confrérie religieuse secrète, tout le passé ottoman aussi). Une ville maintenant arrimée à l’Europe - car la Turquie est devenue membre de l’UE - qui regarde vers l’avenir, qui ambitionne de (re)devenir une capitale mondiale grâce à des percées technologiques : Leyla s’associe avec des jeunes chercheurs geeks pour trouver un financement en vue d’un projet ambitieux : le stockage bio-informatique des données. Dans un monde qui a été révolutionné par la généralisation des nanotechnologies, le défi est immense.


L'écriture de l'auteur, dense et travaillée, permet à La maison des Derviches, ouvrage de plus de 500 pages plein de détails culturels, religieux et historiques passionnants, de tenir en haleine le lecteur. Une des forces de l’auteur est aussi de rendre les personnages vraiment humains et attachants. Ajoutons que McDonald donne envie de découvrir la Turquie et son histoire, de (re)lire de la poésie du cru… Bref, en ces temps de suspicion contre Ankara, le tour qu’il nous joue est plutôt bienvenu. Par contre, l’intrigue, foisonnante et complexe, en vient parfois à perdre le lecteur. Pour autant, Ian Mc Donald est un auteur qui interpelle et donne envie d’être lu (et relu).


Sylvain Bonnet


Ian Mc Donald, La maison des derviches, Denoël  « Lunes d’encre », traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-Pierre Pugi, octobre 2012, 524 pages, 27 €

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