"Drift", un cauchemar si proche

Un auteur à fleur de peau

 

Voix singulière de la science-fiction française, Thierry Di Rollo est loin de laisser indifférent. Des romans comme Meddik, Les trois reliques d’Orville Archer ou le dyptique Bankgreen/Elbrönn l’ont imposé comme un des talents majeurs du genre. Et aussi comme un des moins « faciles ». Di Rollo prend plaisir à peindre des futurs sombres, désespérés et sans issue. Avec Drift, il offre une nouvelle variation de son art ainsi qu’un très bon roman.

 

Un survivant du cauchemar

 

Dwain Darker est un tueur à gages, au service du plus offrant, prêt à liquider n’importe qui pour le compte des élites dans les recoins des anciennes métropoles transformés en gigantesques mouroirs. Hanté par le passé, il reçoit une mission étrange : retrouver des chiots auprès d’un vieil excentrique. Darker, en vrai professionnel, fait le job. Cependant, il apprend que les chiots sont des mutants, capables de prédire l’avenir (ils peuvent par exemple savoir à quel moment la terre tremble). Mais Darker s’en moque : il ne pense qu’à son grand amour Kenny, mort des années plus tôt. Le monde va périr, son but est d’accompagner cette chute.

 

Les chiots sont ramenés au sein de l’Elite. Ils font partie d’un grand projet : transporter à bord d’un vaisseau spatial gigantesque (le Drift) les gens les plus riches, les plus talentueux sur une autre planète tout en abandonnant les autres sur la Terre épuisée. Mais les chiots refusent de manger, de socialiser avec un autre humain que Darker. L’élite envoie donc quelqu’un rechercher Darker. Le problème est qu’un clone de notre héros traîne dans le coin…

                                                                

Au-delà du monde

 

La Terre est fichue, le capitalisme néo-libéral épuise nos ressources, l’homme est égoïste… N’en jetez plus ! Le monde selon Di Rollo est condamné, victime de la prédation humaine. Donc, on cherche le revolver, on rentre les balles sauf que… Notre auteur croit dans l’amour. Dit comme ça, cela parait niais. Sauf que notre auteur croit réellement ce qu’il écrit (et nous aussi). Darker s’accroche à Kenny, qui s’accroche à lui. Sans parents, sans espoir, ces deux êtres comptent sur eux-mêmes parce qu’ils savent qu’un lien les unit et les aide à affronter un monde à bout de souffle. Etrange que Di Rollo soit efficace autant dans la description d’un lien amoureux que dans celle d’un monde désespérant. Drift est une réussite, autant dans la description de cet au-delà du libéralisme (susceptible de faire cauchemarder ensemble Adam Smith et Karl Marx) que dans cet histoire amoureuse qui sauve Darker. Vivement recommandé.

 

Sylvain Bonnet

 

Thierry Di Rollo, Drift, Le belial, couverture de Manchu, juin 2014, 346 pages, 20 €

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