"Rites de sang", love story chez les morts-vivants


 

Mise en jambes parabolique


Il y a bien longtemps, j’ai connu un type, Manu, qui était manager dans un Pizza Hut de banlieue. Manu, c’était un dur et aussi un sage à sa manière. A un type qui n’arrêtait pas de lui balancer, pour le titiller, qu’il l’aimait, il répondit un jour : « hé petit, entre nous c’est pas possible. Tu sais pourquoi ? C’est comme un poisson rouge et un sanglier. Ils peuvent s’aimer mais où est-ce qu’ils vont vivre ? » Sacré Manu…

 

Rites de sang, troisième volume de la trilogie du loup garou de Glen Duncan (le Tarantino du fantastique ?) c’est un peu ça. Comment un vampire et un loup garou peuvent-ils s’aimer (vous avez quatre heures, je ramasse les copies ensuite) ?

 

L’amour et le sang

 

On a quitté Talulla, garou sexy mère de deux enfants, à la fin du volume éponyme, pantelante après ses aventures qui l’ont amené à croiser des vampires sanguinaires. Ceux-ci avaient enlevé son fils pour le sacrifier pour leur grand ancien, Remshi. Le dit Remshi, qui n’a rien à voir avec ses disciples, a eu le coup de foudre pour Tallula. Agé de vingt mille ans, il a eu une liaison, lui le vampire impuissant, particulièrement torride avec une garou nommée Vali, il y a des milliers d’années. Remshi est persuadé que Tallula est la réincarnation de Vali et veut tout faire pour la récupérer. Sauf que le contexte ne se prête pas aux romances: l’église catholique lance des mercenaires aux trousses de Tallula et révèle au monde l’existence des loups garous. Tallula n’a qu’un objectif : mettre ses enfants à l’abri.

 

Mythe et modernité

 

Comparer Duncan à Tarantino, le génie autoproclamé du cinéma mondial, c’est relever leur commune ambition de jouer avec les genres, les mythes, en les rendant plus excitant visuellement. Cependant, avec ce troisième volume, Glen Duncan, qui nous a habitué à pas mal scènes de sexe torrides (Tallula, mmm… Tu as été vilaine) ou sanglantes (et vas-y que je te décapite untel ou que je t’exhibe les viscères de sa femme) se fait ici romantique ( !) : Remshi est ici un descendant direct de Dracula et de Lestat le Vampire (merci Anne Rice) et son histoire est réellement poignante. Duncan renoue donc ainsi avec la tradition même qui fonde les mythes du vampire et du loup-garou, le romantisme gothique. On peut donc se poser la question suivante : fallait-il trois volumes pour en arriver là ???  Force cependant est de constater que l’homme Duncan vend, qu’il déborde d’habileté (voire de talent) et qu’il est définitivement à l’image de notre époque violente en proie à une entropie galopante. Pour autant, on passe un bon moment à le lire : alors allez-y.

 

Sylvain Bonnet

 

Glen Duncan, Rites de sang, Denoël lunes d’encre, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Michelle Charrier, novembre 2014, 480 pages, 23,50 €

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