"Nous allons tous très bien, merci", rendez-vous avec la peur, enfin

De Daryl Gregory, né en 1965, la France ne connait que le remarqué l’éducation de Stony Mayhall, déjà publié par Le Belial l’année dernière. cette année c’est le tour de Nous allons tous très bien, merci d’arriver dans nos librairies, avec une réputation flatteuse : il a été finaliste de la plupart des grands prix littéraires américains de Fantastique (Nebula, Locus, World Fantasy award : on en a le tournis),  a décroché le Shirley Jackson award (ou comment découvrir qu’un auteur qu’on a lu ado est devenu  un prix littéraire…) et va faire l’objet d’une adaptation télé réalisée par Wes Craven (réalisateur de deuxième ordre à l’origine de la série des  Freddy et des Scream). Autant dire que ce roman rend à la fois curieux… et méfiant : le plan du roman-génial-qui-va-devenir-film-ou-série, on a déjà tous donné. Alors, pour Nous allons tous très bien, merci autant le dire : c’est quitte ou double !

 

Freaks en groupe

 

Le docteur Jan Sayer a décidé de réunir pour une thérapie de groupe des hommes et des femmes victimes de crimes et d’horreurs plutôt extraordinaires. Pour la première séance, elle convie Stan, un vieillard qui a survécu adolescent à une famille cannibale, qui passe son temps à râler et à critiquer tout et tous. Face à lui, il trouve Harrison, survivant d’un massacre horrible commis à Dunnsmouth où il a affronté le scrimshander, sorte de monstre qui a aussi infligé de terribles blessures aux os de Barbara, une mère de famille qui joue un rôle d’apaisement dans le groupe. C’est très utile face à Greta, belle jeune fille mutique, et Martin qui porte en permanence des lunettes noires. A l’origine conçues pour lui permettre de jouer en permanence à un jeu vidéo, elles lui ont donné surtout la possibilité de découvrir les traces de créatures qui cherchent à s’infiltrer sur notre Terre : les Habitants. Or, Martin voit que l’un des membres du groupe laisse la trace des Habitants : Greta. et personne ne connait son histoire…

 

 

Une très grande réussite

 

Court et intense, drôle et angoissant, ce roman de Daryl Gregory captive l’attention du lecteur et, insidieusement (c’est très bon signe), lui fait peur. L’angoisse. Car l’auteur joue sur plusieurs cordes nées de ses influences : celle de Lovecraft (les habitants font songer à certaines des créatures du panthéon de Cthulhu), de King (pour l’enracinement de son histoire dans un quotidien terne et commun) et aussi celle d’Irvin Yalom, psychiatre ayant écrit sur la thérapie de groupe. Tout est ici complètement digéré, absorbé dans une histoire dont l’efficacité laisse pantois…  En fait, depuis Steve Rasnic Tem, on n’avait pas lu d’histoire stimulant autant nos peurs latentes. Je lance ici un appel solennel : chaque amateur de fantastique doit lire ce roman !

 

Daryl Gregory a aussi signé Harrison Squared, prequel autour d’un des personnages du roman : on ne saurait prier le destin (et les éditions du Belial) de publier ce livre en France.

 

P.S : il est clair qu’une histoire pareille, chers producteurs américains, serait dans les cordes de John Carpenter et non de Wes Craven (Cthulhu, entends-moi…)

 

 

Sylvain Bonnet

 

Daryl Gregory, Nous allons tous très bien, merci, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laurent Philibert-Caillat, couverture d’Aurélien Police, Le belial, août 2015, 200 pages, 16 €

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