Stéphanie des Horts et Le secret de Rita H : "Rita Hayworth fait écho à chaque femme"


Dans son nouveau roman, Stéphanie des Horts dessine et décrypte avec brio le destin fabuleux et pourtant si cruel de Rita Hayworth. Véritable légende vivante, celle que la presse surnommait la « Déesse de l’Amour » portait en réalité bien mal son nom…  

 

 

— Stéphanie des Horts, le choix du biographe n’étant jamais anodin, dites-nous pourquoi vous avez fait celui de Rita Hayworth ?

Cette femme me fascine depuis que j’ai vu "Gilda". Mais je ne savais rien d’elle, ni qui étaient les hommes qu’elle aimait, ni quels films elle avait tourné. Il y avait juste cet attrait irrésistible vers un sourire bouleversant. Rita Hayworth a une vérité, une profondeur qui transcende l’écran. Rien de plastique, ni de mystérieux, encore moins quelque chose de superficiel "made in Hollywood". Non Rita s’est tournée vers moi à un moment où j’ai eu besoin d’elle. Un soir, la télévision. Je zappais, il y a des milliers de chaines aujourd’hui. C’était un film en noir et blanc, deux hommes montaient un escalier, l’un d’entre eux a demandé :"Gilda are you descent ?" Elle a relevé la tête, elle était lumineuse, solaire, elle a dit : "me ?" J’ai su que c’était elle, c’est tout.

 

— L’emploi de la première personne du singulier peut surprendre – c’est néanmoins un des intérêts de votre ouvrage d’être à proprement parler un roman – en quoi cette actrice mythique fait-elle écho à la femme que vous êtes ?

À la femme que je suis, oui elle fait écho. Sinon je n’aurais pas pu dire « je » c’est évident. Vous savez, on m’a demandé de faire Grace Kelly, j’ai dit non, elle est trop loin de moi. Pas Rita. Rita est dans le doute permanent, Rita donne tout à son travail, elle est perfectionniste, elle se lève aux aurores pour être au studio avant tout le monde et elle n’est jamais sûre d’elle-même. En cela je me retrouve. Et dans l’amour fou qu’elle donne à Orson et à Ali, dans l’amour qu’elle donne à ses enfants. Rita est juste une femme comme les autres. Oui elle me fait écho, mais j’espère bien que chacune s’y retrouvera, Rita Hayworth fait écho à chaque femme, j’espère, elle est très simple, elle disait :"Sensitive, shy, of course I was. The fun of acting is to become someone else".

 

— Pourrait-on dire que Rita est à la fois la victime et le symbole du système hollywoodien des années 40 ?

Victime, non car quand elle a voulu tourner le dos à Hollywood, elle a su le faire. Bien sûr Harry Cohn la tenait dans sa main, mais elle a su lui claquer la porte au nez. Pas toujours à bon escient, d’ailleurs. Non, Rita n’est pas une victime, elle a mené sa vie comme elle a souhaité. Rita n’a pas toujours fait les bons choix mais on ne l’a pas forcé, elle avait une immense force de caractère. Symbole, oui, elle symbolisait la pin-up des années 40. Vous savez les GI’s sont partis à la guerre avec sa photo épinglée sur le coeur. Quand ils sont revenus de la guerre, ils se sont précipités au cinéma et on jouait quoi en 46 ? " Gilda !" Rita est devenue un symbole, celui de l’Amérique d’une certaine époque.

 

— Sa vie durant, il semble que Rita s’apparente à une petite poupée entre des griffes masculines, à commencer par celles de son père, puis de son producteur, puis de ses différents maris...

Elle aime les hommes, elle leur fait confiance, elle leur donne tout. Il suffit qu’ils disent qu’ils vont s’occuper d’elle, elle les croit. Rita ne veut que de l’amour. Elle disait : "When you are in love you are living, you matter." Son père en a fait une danseuse, son premier mari en a fait une beauté. Après, elle est devenue une femme. Cela n’a pas toujours fonctionné comme il le fallait. Tous les hommes de sa vie ne sont pas formidables, loin de là !

 

— C’est une grande amoureuse devant l’Éternel mais l’amour ne le lui rend guère. Ses deux mariages avec Orson Wells puis Ali Khan se terminent en fiasco. Bien qu’ils aient tenu entre leurs bras le fantasme incarné de tous les hommes, ces deux tombeurs l’ont beaucoup trompée, n’est-ce pas ?

Orson n’aurait jamais dû, Orson l’aimait comme un fou. Ali aussi. Orson a voulu faire de la politique, Ali était trop jet-set. Et puis surtout, cette sacrée maladie qui commençait à se faire sentir avec des sautes d’humeur intempestives ! Mais je ne vais pas dévoiler l’histoire juste répéter ce qu’elle disait de chacun d’eux : “My growing up really started with Orson Welles. He was a brilliant man, a stimulating man, a man with whom I was deeply in love and who was in love with me.” “I had loved Ali so much that leaving him was almost unbearable. It was so easy to love him. It was very hard to get him out of my heart."

 

— Deux filles naîtront de ces unions. Rita avait subi l’alcoolisme de la sienne, quel genre de mère était-elle elle-même ?

Une mère absolument géniale. Elle adorait ses deux filles, elle les a tellement désirées. Becky était le portrait d’Orson, Yassie ressemblait à Ali. Les photos la montrent en train de jouer avec ses petites filles, elle est toujours si proche d’elle, l’amour transparait dans les yeux de la mère mais aussi dans ceux des enfants. Comme si être fille d’une Étoile était trop lourd à porter, chacune des filles a eu un destin dramatique. Mais Rita ne l’a pas su, heureusement, elle est morte avant.

 

— La fin de votre roman nous montre une Rita diminuée, infiniment fragile, atteinte de la maladie d’Alzheimer, comme s’il lui fallait brusquement payer le prix de la gloire et de l’éclat qu’elle avait connus…

Il me fallait montrer l’avancée de la maladie. Mais pas trop lourdement. Vous savez, on l’a tellement traitée d’alcoolique. Elle buvait comme tout le monde mais enfin, elle était malade et personne ne le savait. Sa maladie a été diagnostiquée en 81, elle avait alors 63 ans, cela faisait vingt ans qu’elle était malade. Mais j’ai essayé de ne pas trop insister là-dessus pour deux raisons. La première, je suis incapable de voir les interviews d’une Rita vieillie et diminuée. La deuxième, elle a dit une chose que j’ai essayé de respecter : "Whatever you write about me, don’t make it sad.” Je ne veux garder que cela en moi, l’image de Gilda, celle de la chanteuse de Trinidad, de la dame de Shanghai ou bien de Salomé. Une femme éblouissante, au sourire bouleversant. Rita est si proche de nous toujours.

 

Propos recueillis par Cécilia Dutter (mars 2013)

© Photo : Philippe Matsas/Opale/Albin Michel

 

Stéphanie des Horts, Le secret de Rita H, Albin Michel, avril 2012, 267 pages, 18,90 euros

 

Lire également la critique de Gerald Messadié.

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