Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

C’est l'intérêt et le plaisir de la littérature : l’écho des œuvres, le cheminement des unes vers les autres,  l’intertextualité… Juste après avoir lu le dernier opus de Houellebecq, Non réconcilié,  j'ai eu envie de relire Stig Dagerman.  Ces deux-là sont de la même veine même si  j’ose à peine le verbaliser puisque Dagerman  a choisi de se faire la belle à 31 ans. 


Le suédois  était obsédé par de douloureuses questions existentielles. Toute son œuvre est empreinte de ce désir d’approcher au plus vrai du rebord de son existence, les yeux grand ouverts. Pour lui, la  vie est si précieuse qu’il ne peut être question de la  déprécier en  la vivant  au rabais.


L’homme est déchiré, la foi, la liberté, l’écriture, l’autre, l’amour, la solitude, tout le ravage quand il s’agit d’affronter la réalité, sans les fards qui confortent et nous préservent. Puisque que oui, comment vivre un tant soit peu avec le monde, dans le monde et en paix avec soi,  sinon en fermant les yeux la plupart du temps ?


 Notre besoin de consolation est impossible à rassasier  est minuscule, il ne fait que 12 pages, mais le propos est majeur et l’écriture superbe.  Tout y est dit et  c'est beau comme l'innocence : ciselé, cruel, humaniste, libre, implacable intellectuellement. Aucune complaisance avec lui-même. Il veut vivre, éperdument mais ne peut [… Mais l’humanité n’a que faire d’une consolation en forme de mot d’esprit : elle a besoin d’une consolation qui  illumine ..]


Je ne suis pas d'accord avec la formulation de Philippe Rhami sur Remue-net , il écrit ceci : [...Les douze pages de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier  soufflent un air saturé par le mal où un esprit se meurt.] Non, je ne crois pas,  l'esprit de Dagerman ne meurt pas  dans ces pages, loin de là, cet esprit est terriblement vivant, à lui survivre, même.


Il faut lire ce minuscule essai Notre besoin de consolation est impossible à rassasier pour se préserver du pouvoir anesthésiant  d’une société qui nous chosifie.  La mémoire de Dagerman est sans nul doute un contrepoison. Ce n’est pas faire l’éloge de la désespérance que de louer ce texte, mais celui  du vouloir vivre.


Anne Bert 


Stig Dagerman - Notre besoin de consolation est impossible à rassasier - Actes Sud - 1989 - 20 pages - 4,10 euros


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