Un homme dangereux de Émilie Frèche : L’écriture et la vie
C’est le choc frontal, la passion, la vraie. Pourtant Parent n’a rien d’un cadeau : c’est un pervers narcissique, radin, sans doute impuissant (jamais il ne couchera avec sa belle) et pour couronner le tout, antisémite forcené. La narratrice qui est juive encaisse tout : les humiliations, les rendez-vous où monsieur ne se déplace pas, les injures, le chaud-froid qu’il fait souffler sur leur histoire. « Ce n’est pas une rencontre explique-t-elle lucide, c’est une maladie qui m’est tombée dessus, un cancer. »
Une descente aux enfers jusqu’au moment où l’amoureuse avilie décide de se battre avec ses armes, l’écriture. Le piège ainsi tendu se refermera-t-il sur sa victime ? Au passage des secrets de famille seront exhumés.
Roman dans un roman, récit d’une relation avec un sale type, texte à clés qui va faire chuchoter le petit monde de l’édition, Un homme dangereux se revendique de l’immense Annie Ernaux et de son chef d’œuvre Une passion simple. Un homme dangereux avance avec sincérité et un sens du détail, de la formule qui emporte l’adhésion.
Émilie Frèche, a qui l’on doit le remarqué Deux étrangers couronné du prix Orange 2013 a un véritable talent pour mettre en abysse son héroïne et saisir en même temps l’air du temps. Le personnage du grand écrivain obsédé par les juifs est particulièrement effrayant. On ne l’oubliera pas de sitôt.
Ariane Bois
Émilie Frèche, Un homme dangereux, Stock, août 2015, 284 pages 19,50 €
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