"Personne n'en saura rien", de Sylvie Granotier, dans l'intimité du violeur et de sa victime

Quadragénaire obèse et passablement dénervé, Jean Chardin est mu par des pulsions incontrôlables qui en font un monstre. Est-ce son enfance dans la promiscuité d'un logement trop petit où il n'était séparé des ébats paternels que d'un fin rideau, est-ce la déchéance financière du père ?  Son enfance de "bon gros" l'aura très certainement marqué, mais est-ce là l'unique source de cette pulsion criminelle qui le conduit à violer et tuer des jeunes femmes ? Sa dernière victime, Isabelle Delcourt, n'avait que seize ans, et c'est la seule qui a survécu, comme s'il s'était tissé entre eux une relation trop singulière pour être achevée par la mort. 
Le récit de Sylvie Granotier alterne les scènes de vie des personnages et le procès. Appuyant sur le passif de Jean et l'origine supposée sociale de son penchant pour les jeunes filles, dont les corps dénudés sur la plage forment un bien trop violent appel pour qu'il puisse y résister, mais aucune ne va survire à cette rencontre avec le monstre effroyable caché derrière cette apparence de bonhomie pataude.  
Seule Isabelle survivra. Pourquoi ne l'a-t-il pas tué ? Que s'est-il passé entre eux lors de cet enlèvement pour que le monstre soit amadoué ? C'est ce secret qui fait tout l'intérêt de ce roman, angoissant à la fois par sa simplicité et la pesanteur qui s'installe, au fil des récits croisés et du procès que l'on suit comme un fil conducteur, mais sans lourdeur : ce procès n'est que le moyen de mettre en face, une nouvelle fois, ces deux personnages.
Maîtrisant parfaitement l'art du thriller psychologique, Sylvie Granotier nous conduit dans l'intimité de ces deux êtres liés par le destin et la souffrance, en manipulant le lecteur qui ne saura qu'en toute fin à la fois les causes profondes qui ont créer le monstre, et la force propre à Isabelle. La vérité est entre eux deux, et le lecteur en sera le premier surpris, et admiratif.

Loïc Di Stefano

Sylvie Granotier, Personne n'en saura rien, Albin Michel, novembre 2014, 244 pages, 18 eur

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