"Sept secondes pour devenir un aigle", l'homme (fragile) face à son destin

Un auteur ambitieux

 

Né en 1971, Thomas Day a écrit nombre de romans, dont La voie du sabre, Du sel sur les paupières et surtout Le trône d’ébène qui mettait en scène Chaka, le roi zoulou. 7 secondes pour devenir un aigle  témoigne de la volonté de son auteur de s’installer dans le paysage littéraire de la science-fiction francophone comme un grand nouvelliste. On retrouve ici six nouvelles, dont certaines parues dans Bifrost ou des anthologies. Et notre auteur dispose pour peindre ses tableaux d'une palette de couleurs assez large…

 

Ecologie et exotisme

 

Manifestement préoccupé par la dégradation de l’environnement, Thomas Day s’intéresse également aux cultures non-occidentales. Ainsi Mariposa, nouvelle inédite avant la parution de ce recueil, nous entraîne sur une île du Pacifique, d’abord à l’époque par les équipages de Magellan puis pendant la seconde guerre mondiale avec une équipe d’archéologues japonais. Au XVIe ou au XXe siècle, quelque chose dans l’île séduit, captive. Tue…

 

Day nous transporte ensuite chez les indiens d’Amérique avec 7 secondes pour un aigle (une des meilleures histoires) où Un Sioux oglala récupère son neveu après avoir tué son père. Dans le chaos, il l’entraîne sur une voie initiatique assez violente avant de s’engager sur le chemin du terrorisme écologique... Noire, efficace, violent et très convaincante, la nouvelle éponyme vaut largement le coup d’œil.

 

Quant à Ethologie du tigre, elle  nous emmène en Birmanie : Des années plus tôt, le héros, Shepard a été attaqué et défiguré par un tigre. Plutôt que d’en vouloir à l’animal, il a décidé de le protéger, coûte que coûte, tellement il l’admire. Lorsque trois têtes de bébés tigres sont retrouvées au Cambodge, on fait appel à lui en tant que consultant. Shepard se remémore la légende de la tigresse Burma… Bien menée malgré des scènes de sexe « too much » et trop rose bonbon…

 

Au fur et à mesure de notre lecture, nous prenons conscience que notre auteur semble de plus habité par la crainte d’un effondrement prochain de l’humanité, voire d’une extinction massive (la fin de l’anthropocène » ?  Tiens, le thème de la postface du livre) : cela tombe bien, la dernière histoire tombe comme un scud sur sa cible…

 

La fin du monde est pour bientôt ( ?)

 

« Les drones de Lumière Noire sont couverts de cellules photovoltaïques. A court d’énergie, ils se posent le temps de recharger les batteries. Une flottille de ces engins de mort pollue moins qu’une vache.

Evidemment leurs missiles sont moins écologiques.

« On ferait mieux de te couper les jambes, ce serait plus facile ! »

C’te bonne blague. »

 

Lumière noire reprend une trame à la Terminator, décrivant un monde où les machines ont pris le pouvoir, peut-être à bon escient d’ailleurs. Le récit est rythmé par un disc-jockey qui passe de vieilles musiques (dont Pink Floyd, merci). Le récit est agréable, bien campé et très prenant. Un sommet rouge sang, à vrai dire.

 

On a parlé ici des histoires les plus marquantes. De notre point de vue, ce n’est pas le cas de Tjukurpa et Shikata ga nai. Talentueux dans l’écriture de nouvelles (qui demande un doigté d’artisan), Thomas Day prouve là sa technique narrative, voire son métier. Il lui manque cependant quelque chose pour atteindre son but, peut-être un grain de folie…. Le temps cependant joue pour lui : on attend donc la suite.

 

Sylvain Bonnet

 

Thomas Day, 7 secondes pour devenir un aigle, préface d’Olivier Girard et postface de Yannick Rumpala, couverture et illustrations d’Aurélien Police, Le belial, septembre 2013, 352 pages, 19 €

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