Valery Molet : portrait caché

 

Rêveries et déglutitions se succèdent en ces nouvelles ironiques et en deux temps : "Vivre sans dénouements" et "Autres pratiques de la bouffonnerie". Le tout sous l'égide d'un incipit assassin de Mauriac : Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser 100 000  citoyens armés de grands principes.

L'auteur fait de l'amour son cheval de bataille et surtout lorsque celui-ci a perdu ses galops premiers et opte pour l'amble. Une colline inspirée près de Vézelay peut devenir au milieu des camping-cars un moyen de sauver ce qui peut l'être, le tout auprès d'une poétesse pour laquelle il préfaça son premier recueil qui alliait le renfermé furtif et le décasyllabe retraité.
Il aurait dû se méfier. Mais à l'impossible nul n'est tenu. Et c'est un peu la doxa d'un livre jouissif et qui sait pratiquer de la distance qu'implique toute évocation de rapports intimes.

Il y a cependant de belles digressions intempestives là où le vuvuzela narratif ne se prive pas de stridences intempestives. Ce qui n'empêche en rien aux contentieux de voler comme des choucas dans la chocolaterie des existences. Restent néanmoins de belles parties de jambes en l'air dans ce qui devient parfois une gymnastique quasi aquatique. D'autant que tout est bon chez la charcutière comme chez son cochon compère. Le tout non sans un désordre conforme aux dérèglements des sens.

Ce livre est donc riche en valeurs euphorisantes. Un tel ensemble critique est désopilant. Certes une certaine invalidation confirme parfois l’amour dans sa tendance  schizophrénique mais c'est le prix à payer quand le larron en foire est un intello. Reste un voyage au long cours – même si parfois un funérarium suffit – pour accorder à Molet le titre envié d'espèce de monstre que sans doute tous les théologiens et adeptes des grandes théories rêveraient de capturer.

Jamais défaillant dans sa vision des êtres et du monde, l'auteur fait de ses textes des poches de résistance où la dérision radicale et la critique de la société reviennent toujours au galop. Preuve que le canasson cité plus haut a de belles raisons d'espérer et le lecteur des pages pour se délecter.

Jean-Paul Gavard-Perret

Valéry Molet, L'aménagement des crevasses, éditions uncité, 80 p.-, 14€

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