Sahara, « cependant quelque chose rayonne en silence »

Extrême, absolu, infini, les qualificatifs de la démesure et de l’excès sont habituels et comme indispensables dès lors qu’il s’agit de parler du désert. Ils ramènent les normes courantes à des notions différentes, dont les curseurs vont du néant à la majesté, du vide à la plénitude.  Mais d’autres déterminants doivent apparaître et les compléter, qui donnent du désert une seconde image plus amène et justifient ses paradoxes. Faire voir le revers bienveillant de l’implacable et de l’impitoyable, en somme. Le paysage saharien, tel que ces dunes aux ondulations parfaites le matérialisent, se dessine sur un nouveau volet que ce livre déploie à travers ses chapitres consacrés aux hommes, à leur vie quotidienne, à l’art, à la faune et la flore.

 

A côté des étendues somptueuses, fascinantes mais désespérantes qui couvrent des milliers de kilomètres, il existe des îles d’accueil, de culture, de verdure, héritières d’un passé riche en savoirs transmis. L’hostilité a généré son contraire, l’aridité a suscité la lutte pacifique pour l’existence. Les formes en sont multiples, naturelles et humaines. Les animaux, au premier rang d’entre eux le dromadaire, la végétation, le palmier en tête, les ressources du sous-sol, participent à cette manifestation de la vie, souvent oubliée au profit de la beauté éternelle et du dépouillement que le sable façonne et impose. A travers les photographies proposées sur une dizaine de pages, l’auteur qui connaît bien le Sahara et le parcourt avec passion, convie le lecteur à assister à un mariage chez les Touaregs. Rien ne semble plus chaleureux, plus vrai, plus profondément ancré dans une tradition séculaire que cette fête nuptiale se déroulant en août, c'est-à-dire pendant la saison des pluies. Il faut bien sûr relativiser les critères en fonction du cadre, et la sècheresse reste une réalité, mais à Elmeki, nom du lieu où se déroule pendant une semaine environ la cérémonie, les arbres sont étonnamment verts. En vue du grand jour, on fabrique les tambours, on sort les habits de fête et les parures, les dromadaires avancent au pas cadencé, les youyous des femmes encouragent les hommes. L’héritage se conserve grâce aux enfants qui suivent chaque étape de ces réjouissances familiales et ancestrales.


Au cœur du Sahara, classé par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité, se tient l’Aïr, massif conquis par les Touaregs vers la fin du IXe siècle. Selon les mots de l’explorateur allemand Heinrich Barth qui la visita en 1850, cette région est « la Suisse du désert ». L’eau sans être abondante, est présente. De cette source de vie naissent et éclatent les floraisons diverses. Fruits, mil, gazelles, habitat sous la tente, travail des métaux, nomadisme sédentarisé, l’Aïr concilie la beauté totale de l’Arakao avec l’habileté des mains des bergers locaux.


Le minéral a pour échelle de temps l’éternité, que la géologie défie. Les périodes glaciaires et volcaniques ont tour à tour ciselé un décor d’une incroyable diversité, ponts et arches, cathédrales de pierres noires, blanches et brunes, collines de grès qui imitent les vagues, champignons de roche en équilibre, forêts pétrifiées, partout le vent érode, meule, broie, affouille, excave. Si le Tassili est renommé pour ces figures d’apocalypse qui se découpent sur le ciel bleu inaltéré, que dire par exemple de la pureté de l’erg de Tin Merzouga ?


Les Touaregs forment une communauté de près de 3 millions d’individus, répartis entre le Niger, le Mali, la Libye, l’Algérie, le Burkina-Faso, la Mauritanie. Une vaste culture adaptée aux conditions difficiles du désert les unit sans pour autant en niveler les coutumes particulières. Un code d’honneur régit toujours certaines règles sociales. Aux femmes revient un rôle éminent, de soutien, d’harmonie, d’indépendance, de communication. Le désert a  sculpté des comportements de respect et de retenue. Sur cette population noble et généreuse comme sur son environnement, des menaces injustifiables pèsent. Quant on voit le degré de raffinement des peintures rupestres et des poteries laissées par l’homme préhistorique, on les redoute davantage.


Photographe, voyageur habitué des longues méharées, Luc Gavache a effectué un bon nombre de déplacements au Sahara. Il a noué des amitiés, il a observé les gens. Il partage volontiers ses expériences. Son objectif saisit tous les visages du désert, ceux des hommes, ceux de la nature, ceux des perspectives renouvelées de l’immensité que la lumière prolonge et exalte.

 

Dominique Vergnon


Luc Gavache, Sahara, désert des déserts, Vilo éditions, mars 2013, 224 pages, 360 illustrations en couleur, 26x30 cm, 39 €


Citation du titre d'Antoine de Saint-Exupéry

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