Virginia Woolf ou la fiction comme miroir de la réalité : La Chambre de Jacob

Extrait de la dernière édition conçue pour la bibliothèque de la Pléiade, ce roman publié en 1922 inaugure la série des œuvres qui feront de Virginia Woolf (fiche biographique) la romancière anglaise la plus célèbre du XXe siècle. C’est aussi le plus court. Mais point le plus célèbre. Mais peut-être le plus attachant. Les premières pages possèdent une liberté d’écriture. Une fraîcheur dans la style… Et la page du dernier chapitre est sans nul doute l’une des plus poignantes que l’auteur ait jamais écrite… La Chambre de Jacob fut écrit au lendemain de la Grande guerre. Il porte en lui le dessein de l’auteur d’inclure désormais cette « idée d’une nouvelle forme pour un nouveau roman ». Virginia Wolf éprouve pour la première fois une totale liberté éditoriale. C’est qu’elle change d’éditeur. Exit son demi-frère. Elle publie chez Hogarth Press. La maison qu’elle a fondée avec son marie en 1917. Mais ne parlez pas d’édition à compte d’auteur.


L’intérêt principal de La Chambre de Jacob ne réside pas dans le contexte historique décrit. La guerre qui ne fait que planer, telle une ombre menaçante, sur le récit. Tout l’intérêt est dans le personnage. Que l’on suit depuis sa jeunesse. Petit garçon en vacances en Cornouailles. Il s’est perdu sur la plage. Et en l’espace de quelques pages, la magie Woolf opère. Au cours d’une scène primitive, il fait l’expérience de la séparation, de la rencontre de la mort (il ramasse le crâne blanchi d’un mouton) et de la sexualité (« étendus côte-à-côte, complètement figés, le visage écarlate, un homme et une femme énormes… » p.39).

Puis adolescent il collectionne les papillons et entre à Cambridge. Il y vit la vie très privilégiée réservée aux jeunes hommes de la bonne société. Il étudie donc. Et lit, beaucoup. Un certain été, il s’offre une traversée en voilier jusqu’aux iles Scilly, avec son ami Durrant. Reçu dans une grande maison, il y rencontre Clara, la jeune sœur de son ami…

Trois ans plus tard, on le retrouve à Londres, sa nouvelle chambre est située entre le British Museum et Gray’s Inn. Il se prépare à être avocat et collectionne désormais les… maîtresses. Les filles s’amourachent de lui. Mais son cœur demeure froid.


Roman résolument moderne, portrait de la société de l’époque, ce récit élégiaque qui aborde aussi l’écriture du deuil symptomatique de l’œuvre à venir de Woolf. Une manière particulière et poignante de dire la souffrance. Sa souffrance. Car l’histoire de Jacob transpire d’une vérité. Celle de la déchirure inguérissable que Woolf porte en elle depuis la mort de sa mère. Car si l’écriture de Virginia Woolf est toujours ancrée dans l’histoire de sa vie, elle ose souvent des détours. Chemins indispensables pour ne pas sombrer dans la folie. D’ailleurs, elle avouait très simplement qu’elle « préfère, là où la vérité est importante, écrire de la fiction. »


Annabelle Hautecontre


Virginia Woolf, La Chambre de Jacob, traduction et édition d’Adolphe Haberer, Folio Classique n°5501, novembre 2012, 368 p. – 5,95 €

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