Sœurs de Wajdi Mouawad

Drôle de sœurs. Et drôle de pièce... Pas vue mais diablement visuelle à la lecture. Tellement qu'on à l'impression de lire un scénario. Certaines scènes s'apparentent plus au cinéma, d'ailleurs. On regrette de n'avoir pu découvrir comment furent rendus sur scène certains plans. 


Au volant de sa Ford Taurus (j'ai eu une Taunus dans le temps, ça faisait chic dans la vallée) Geneviève Bergeron chante à tue-tête. Ou pleure-t-elle sur sa cinquantaine ? Son célibat ? Avocate brillante, certes. Mais on sent poindre un soupçon de désillusion. Pas dans son job, elle qui négocie avec les tyrans de la planète des cessez-le-feu. Plutôt une grosse fatigue. La famille, ça use ! Et sans l'afflux sanguin de la jeunesse et les parties fines. Que faire de ses soirées ? 


Dévaster sa chambre d'hôtel, par exemple. Une crise qui lui prend après avoir découvert que la gérante se moque de la loi sur les langues. Au Canada tout doit être français ET anglais. Or les commandes vocales de la télé qui gère le réveil ne sont QUE en anglais. Révolte dans un verre d'eau. Mais révolte tout de même.


Puis pavillon baissée, Geneviève se glisse entre le matelas et le sommier. Pour faire bonne figure. Et se sentir enfin en sécurité. Comme à Beyrouth quand pleuvaient les bombes. Si bien qu'elle n'entend pas l'experte des assurances arriver le lendemain matin.


S'en suit un curieux dialogue/monologue selon les situations. Wajdi Mouawad a écrit une pièce sur la mémoire. Le devoir. Et ses dégâts. Aussi bien dans le microcosme familial que dans l'immensité planétaire. Quand deux être humains. Deux femmes. Se font les réceptacles de la grande Histoire. Violences et intimités faces aux brutalité du temps présent. 


Annabelle Hautecontre


Wajdi Mouawad, Sœurs, Actes Sud-Papiers/leméac, mars 2015, 56 p. - 12,00 euros

Aucun commentaire pour ce contenu.