Rommel, le Renard des Ardennes

Erwin Rommel a tôt fait son entrée dans la galerie des grands chefs de guerre. Ce Souabe impulsif, éduqué dans une vision militaire qui n’avait pas grand-chose à voir avec celle de la noblesse prussienne, avait compris que les conflits modernes passaient par la mobilisation totale des citoyens de tous rangs. Des prémices de l’invasion de la Pologne au Débarquement de Normandie en passant par le désert libyen, « Le Renard du désert » joua un rôle considérable dans les batailles du IIIe Reich, et l’histoire aurait sans doute pris un tout autre cours si Hitler l’avait désigné comme commandant en chef de l’opération Barbarossa, en 1941…

Hugues Wenkin est un fin connaisseur de l’histoire de la guerre mécanisée – celle-là même dont un Ernst Jünger déplorait l’avènement parce qu’elle détrônait les valeurs anciennes et aristocratiques du combat à mesure d’homme. Journaliste, historien, contributeur à divers magazines spécialisés et créateur d’une collection d’ouvrages sur la question, Hugues Wenkin était the right man pour fournir une recherche définitive, d’une conflagration l’autre, sur les débuts de Rommel en Belgique et dans le Nord de la France, puis la confirmation de son envergure au début de la guerre de 40.

Rommel reçut sa première croix de fer en récompense de son héroïque engagement en Gaume le 22 août 1914, et elle s’étoffa, au fur et à mesure de ses victoires, de feuilles de chêne, de glaives et autres brillants, jusqu’à ce qu’il devienne le plus jeune feld-maréchal de la Wehrmacht. Wenkin suit à la trace le jeune engagé entre 1914 et 1918, dans les Carpates où il s’empare du mont Cosna, en renfort de l’Autriche sur le front italien où là encore il se distingue. Puis, après la défaite de l’Allemagne, le voici pris dans la période tourmentée des Freikorps en lutte contre les spartakistes. Pendant deux décennies, il poursuit son ascension militaire en se rapprochant des ultimes cercles du pouvoir, puisqu’il est nommé en 1939 chef du bataillon chargé de la protection rapprochée de Hitler. La même année, lui, le spécialiste en infanterie, concentre son attention sur le potentiel des blindés. Promu commandeur de la toute nouvelle 7. Panzer-Division, il se familiarise au fonctionnement des masses cuirassées en trois mois à peine. C’est justement en adaptant des techniques d’offensive héritées de l’infanterie à ce nouvel armement qu’il en devient un redoutable expert.

Dans ce livre abondamment illustré de clichés rares et d’une qualité exceptionnelle, Hugues Wenkin nous fait revivre heure par heure, plans et témoignages à l’appui, les étapes de la pénétration des troupes allemandes en France et en Belgique depuis l’invasion à l’aube du 10 mai 40. Rien n’arrête plus Rommel, ni les poches de résistance, ni la Meuse, encore moins la frêle ligne Maginot…A priori, on pourrait croire à une monographie qui ne passionnera que les spécialistes déjà patentés ; mais la rigueur avec laquelle est menée la reconstruction du récit historique emmènera aussi le lecteur profane, vers la réponse, fatalement affirmative, à la question de savoir si Rommel n’aurait pas inventé une nouvelle façon de faire la guerre.

Frédéric SAENEN

Hugues Wenkin, Rommel en pointe du Blitzkrieg. De l’Ardenne à la Manche, Weyrich, 210 pp.

 

 

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