Edith Azam et Bernard Noël : croissance d'énergie

"Retours de langue" engage et propose un "dialogue"deux des poètes contemporains les plus importants. D'autant que l'un et l'autre ont compris ce que le texte doit engager comme corps afin de ne pas tomber dans la déréalisation.

La poésie l'interroge au delà de son nom. Ici dans ce qui impose par l'échange un nécessaire retrait de l'un pour le deuyx : « C’est bon souvent / de disparaître / pour s’apparaître / un peu mieux loin / beaucoup plus juste ». Et ce par delà l'écume des jours : les heureux mais surtout ceux où la douleur quoique "étincelante" fasse d'eux des "pensums maudits" (Baudelaire).

Mais les deux auteurs savent que si le partage est nécessaire pour que l'écriture s'abandonne elle-même en une jonction moins égotique et hédoniste, cellle-ci est provisoire : "on ne se croise / jamais deux fois / au même point. » Cela permet au discours de se poursuivre. Des questions s'élargissent. Elles -mêmes ouvrent le corps à l'épreuve d'un temps qui presse mais qui transforme le souffle des poètes.

Pour preuve Bernard Noël redevient plus "disant" grace à cette écriture de la rencontre. Elle ne se retourne plus sur elle-même mais avance en duo et strates là où au soliloque fait place un dialogue particulier au nom de "L'Echange" cher à Claudel au moment où autour des deux auteurs le silence devient plus profond.
A chaque page la présence de la mort n'est pas loin.C'est comme si la voix lui faisait écho mais afin de dire au plus juste la seule règle qui soit pareagée par tous et toutes mais que la langue permet de faire jouer par son effet de folle sagesse, sa charge, sa masse volumique.

L'objet corpusculaire que sont les mots donne à l'expérience humaine une autre manière d'être vécue comme le prouve ce face à face ou plutôt cette marche commune et sa rythmique "de concert". Histoire de vivre encore en musique. Du Schubert sans doute dans ce retour amont qui est à sa façon un retour de flamme.
 
Jean-Paul  Gavard-Perret
 
Édith Azam & Bernard Noël, Retours de langue, Fai fioc, mars 2019, 56 p., 8€

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