David Lodge, "Un homme de tempérament" : portrait d’un gentleman de petite vertu

Né en 1935, David Lodge partage quelques faits biographiques avec H.G Wells, le père de la science-fiction anglaise : ex-universitaire, romancier prolifique, essayiste talentueux… Il était temps de se pencher sur la vie bien peu sage de l’auteur de La guerre des mondes, 1898. Elles s’appelaient Amber, Elizabeth, Rosamund, Rebecca etc. Quant au prénom de son épouse, c’était Jane. La liste des amantes de l’écrivain H.G. Wells (1866-1946) est longue, très longue et il n’en était sûrement pas peu fier.

 

Dans Un homme de tempérament, David Lodge s’intéresse à la vie littéraire, mais surtout amoureuse et sexuelle de l’auteur de La Machine à explorer le temps. Issu d’un milieu modeste comme Dickens, H.G Wells obtint des diplômes à l’université, sympathisa avec Thomas Henry Huxley, disciple de Charles Darwin dont l’influence le marqua, devint membre d’un groupe de réflexion politique, The Fabian society, un important think tank de gauche au début du siècle. Il fréquenta les auteurs prestigieux de l’époque parmi lesquels Henry James avec qui il eut une correspondance civilisée et ambigüe. Contrairement à l’auteur de Portrait of a lady, les ouvrages de Wells étaient des succès de librairie, on les lisait et on en parlait. Et si on en parlait tant c’est que non seulement l’auteur était un incroyable visionnaire capable de prédire l’évolution technologique des sociétés, y compris les guerres mondiales, mais également parce qu’il développait des théories sur l’amour libre qui ne pouvaient pas laisser indifférents les membres de la bonne société anglaise.

 

L’homme revendiquait la liberté sexuelle dans ses romans et dans sa vie. Champion des droits de la femme, critique de la famille patriarcale, H.G. Wells a théorisé sur les relations amoureuses : « Pourquoi ne pouvons-nous pas former un groupe de trois personnes égales… ou quelque chose d’analogue ? » Marié à la douce et tolérante Jane, il tente à plusieurs reprises de former des ménages à trois qui mécontentent soit son épouse soit ses amantes – étonnement, les trios, pour Wells, sont toujours constitués de deux femmes et d’un homme, à l’exclusion de l’autre variation… Inventif, inspiré, il cherche à redéfinir le rapport homme femme dans la société, mais ses propositions même sincères sont faussement avant-gardistes : « Imaginez que la société prenne en charge toutes ces femmes, imaginez que la propriété des maisons, du mobilier, des enfants leur soit assignée…Alors la femme serait la princesse de l’homme qui l’aime. » Du temps de Wells, ces propos semblent féministes, en tout cas, ils choquent.

 

David Lodge, fasciné par son personnage d’écrivain, l’imagine à la fin de sa vie, se livrant à une autocritique douce-amère sur son mode d’existence, ses choix, ses prophéties. Miroir fascinant pour David Lodge ? On ne peut s’empêcher de s’interroger sur les points communs entre l’auteur de La vie en sourdine et Wells, même s’il s’est récemment déclaré être « affreusement conventionnel et monogame ». Quoi qu’il en soit ce portrait d’un gentleman ne manque pas d’espièglerie, on y décèle le plaisir de l’auteur, dont l’un des précédents sujets d’étude (L’Auteur ! L’Auteur !) était l’exact opposé de Wells : le torturé et peu porté sur la chose Henry James.

 

Stéphanie Hochet

 

David Lodge, Un homme de tempérament, Éditions Rivages, janvier 2012, 706 pages, 24,50 €

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