"La Restauration", Lumière sur une période méprisée


On connaît Benoit Yvert pour son Histoire de la Restauration (Perrin, 1996), co-signée avec Emmanuel de Waresquiel (l’auteur d’un Talleyrand devenue LA biographie de référence du diable boiteux) qui avait déjà permis de jeter un éclairage salutaire sur ce moment oublié et méprisé du 19ième siècle. Avec ce recueil d’articles sous-titré les hommes, les idées, Benoit Yvert poursuit son entreprise de réhabilitation.


Idées et pratiques politiques de la restauration


Déjà avancé dans son ouvrage précédent, l’auteur considère, à juste titre, que la Restauration constitue la première tentative d’instaurer un système libéral et parlementaire en   France. Des gens comme Royer-Collard, Guizot bien sûr, Auguste de Staël réfléchissent durant la période sur les réformes nécessaires : la liberté de la presse, la décentralisation (finalement rejetée), sur la Révolution aussi, toujours présente dans les esprits. Si les deux grands courants du moment, libéraux et ultras, s’opposent de 1815 à 1830 (les républicains et les bonapartistes conspirent dans l’ombre), les lignes de démarcations ne sont pas figées. Les ultras de la chambre introuvable de 1815 ont une pratique très « libérale » des institutions de la Charte face à un gouvernement tenu par les libéraux, assez autoritariste dans sa lecture des textes. Et Chateaubriand, membre des ultras, penchera de plus en plus vers le libéralisme. Car la Restauration, c’est aussi des itinéraires complexes que Benoit Yvert restitue avec clarté.


Les hommes


Les hommes donc. L’auteur met en valeur la personnalité d’Elie Decazes, ancien fonctionnaire impérial devenu favori de Louis XVIII, dont le slogan « royaliser la nation, nationaliser la royauté » résume les enjeux de la période. Revenus dans les fourgons de l’étranger, abattus de manière sidérante par Napoléon au début des 100 jours, les Bourbons devaient asseoir leur trône sur des fondations solides, des « masses de granit » qui leur soient propres. Pour ce faire, la Restauration a beaucoup recruté parmi l’ancien personnel impérial et les libéraux doctrinaires, s’attirant les foudres de Chateaubriand, furieux de ne pas en être (du moins avant sa nomination au quai d’Orsay en 1822): relevons les noms de Guizot, futur ministre de Louis-Philippe, Rémusat et Auguste de Staël. Ce dernier, fils de Germaine et petit-fils de Necker, a droit à un article spécifique où Benoit Yvert tente de monter combien son itinéraire intellectuel interpelle et jette un pont entre deux  générations libérales celle de sa mère et de Benjamin Constant d’une part et celle de Guizot d’autre part.


Si Révolution et Empire ont jeté les bases de la France contemporaine, la Restauration constitue pour l’auteur une sorte d’introduction à notre modernité. Passionnant de bout en bout, cet ouvrage est recommandé pour ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées ainsi qu’au 19ième siècle français.

 

Sylvain Bonnet

Benoit Yvert, la Restauration - les idées, les hommes, CNRS Editions, octobre 2013, 262 pages, 22 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.