"Secrets et mystères de la France occupée", l'occupation dévoilée

Une grande historienne


On doit à Michèle Cointet nombre d’ouvrages sur la France de Vichy. Citons ici sa précieuse synthèse Vichy et le fascisme (complexe 1987), puis Vichy capitale (Perrin, 1998), enfin L’église sous Vichy (Perrin, 1998, précieux pour comprendre l’attitude des catholiques pendant l’occupation) et surtout sa Nouvelle histoire de Vichy (Fayard, 2001), somme de 30 ans de travaux sur la période. Michèle Cointet fait partie de ces historiens qui se sont engouffrés dans la brèche ouverte par La France de Vichy de Robert Paxton (quitte à le corriger) et qui se sont attachés à étudier, analyser, décrypter ce que fut cette période « noire » de l’histoire de la France contemporaine. Avec Secrets et mystères de la France occupée, Michèle Cointet s’attache à reprendre différents questions en suspens pour les passer en revue (un peu comme Bénédicte Vergez-Chaignon dans Les secrets de Vichy). Gageons que ça en vaut la peine.


L’histoire en marche


Avec la rigueur du regard historique, Michèle Cointet écrit ici différents chapitres sur des points négligés soit par l’historiographie, soit par la mémoire « officielle et médiatique » : le mystère (qui ne sera jamais complètement élucidé) de l’effondrement d’une démocratie en juin 40, le problème de la faim dans la France occupée (une obsession des contemporains), les bonnes affaires de l’occupation, le problème du sauvetage des enfants juifs, les collabos, le retour des provinces (à envoyer aux régionalistes actuels)… Depuis plus de quarante ans, Michèle Cointet est devenue une spécialiste de la période et son expertise la rend précieuse. Elle seule est capable d’aborder le problème des victimes des bombardements alliés sans en faire une cause de « révisionnisme » (dans le sens de rendre les alliés responsables de crimes de guerre analogues à ceux des nazis allemands). Avec elle, pas de jugement moral a priori : l’analyse, toujours fondée sur la raison et la mise en perspective. Avec elle, on se rend rapidement compte que la période de l’occupation est un diamant à multiples facettes. qui sait (à part les lecteurs de la série de bande dessinée Il était une fois en France) par exemple qu’un des principaux fournisseurs de métal de l’armée allemande était un certain Joseph Joanovici, figure du milieu d’origine russe…et juif ?


De la portée d’une œuvre


On souhaite à la nouvelle génération d’historiens qui arrive de suivre l’exemple de Michèle Cointet, de sa rigueur et son envergure intellectuelle. Secrets et mystères de la France occupée prolonge le sillon creusée par ses précédentes œuvres. A l’heure où certaines interprétations pour le moins erronées de l’histoire de la période reviennent en force, cet ouvrage remet les pendules à l’heure. Très vivement recommandé.

 

Sylvain Bonnet,

Michèle Cointet,Secrets et mystères de la France occupée, Fayard, septembre 2015, 336 pages, 22€

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