Pierre Vavasseur, Un pas de danse : De vieux amis perdus pour la modernité

Basile est journaliste, mais à 60 ans, il a du mal à se retrouver dans la vision de son nouveau patron, Florent Camus. Un arriviste parachuté à la tête du journal, par de récents propriétaires dont l’un est émir du Koweït. Un type qui prétend transformer le vénérable journal « Tout voir », fondé par un ancien résistant en une »machine » d’oubli » ne s’intéressant plus qu’ à l’actualité people la plus vaine. Proclamant à qui veut l’entendre : « la poésie c’est de la merde ».

C’est dire si Basile jubile quand il tombe sur un livre atypique qui vient de sortir : la biographie de René Char, en deux volumes de 1500 pages, éditée par, Glenn Morvan, le dernier des mohicans de la planète livre. L’auteur Corneille Vagabond est un octogénaire, un illustre inconnu. Le journaliste accompagné d’Elias un ami photographe décide d’aller le rencontrer au fin fond de la Lozère où il réside.

Pour ce sujet en or « qui n’intéresse personne » et que Camus exècre, les deux compères prennent la route qui »se déhanche à grands pas glissés » avec Angie des Rolling stones en fond sonore, « une carte routière déployée sur les genoux comme un tablier de hasard ». Ni GPS, ni autoroute pour eux, juste l’envie de rouler et de se « coiffer du chapeau du ciel ».

Dans cette France profonde, ils rencontrent un homme qui vit chez sa mère mais ne possède aucune photo en sa compagnie, trois membres d’un groupe de death métal dans un bistrot-billard. Recueillent un oisillon tombé du nid. Retrouvent une beauté fanée qui habite aux environs de Saint Flour.

Voyageant par sauts de puce, ils découvrent une France aux commerces abandonnés, aux garages fermés en citant Beckett.

Le périple est un prétexte pour parler du passé, des disparus. La femme de Basile, Alice, morte trop jeune, ses parents qui l’ont abandonné quand il avait onze ans pour aller se retirer dans un phare, tandis qu’ Elias, lui a connu toutes les guerres.

Courant après la beauté du monde, Basile finit seul le chemin et qu’importe si Corneille Vagabond n’est pas l’homme qu’il avait imaginé.

Pierre Vavasseur, romancier, critique littéraire, musicien, livre avec Un pas de danse un roman tendre et poétique, une ballade dans une France d’hier qui se refuse à mourir, une incursion dans le monde de la presse qui change trop vite et ne propose plus que des images de people ineptes à toutes les sauces.

Une poésie nostalgique imprègne chaque page du roman, transformant la quête improbable des deux personnages en une ode à l’amitié. Ce roman sensible, bel hommage à René Char est une belle réussite qui va à rebours des modes, à rebours de la littérature efficace.

Le lecteur se perd et rêve dans l’épopée des deux vieux amis perdus pour la modernité et qui s’en accommodent fort bien, poussant avec eux la porte des paysages.

Brigit Bontour

Pierre Vavasseur, Un pas de danse, Jean-Claude Lattès, février 2017, 207 p., 18 €

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