Histoire des droites en France, une nouvelle approche


Un politiste

Agrégé d’Histoire et enseignant à Sciences po Rennes, on doit à Gilles Richard une histoire de l’UDF, (Presses universitaires de Rennes, 2013). Il publie en ces temps d’élections présidentielles une Histoire des droites en France chez Perrin, qui se veut une synthèse très complète de l’histoire de cette famille politique, plurielle, depuis 1815.


L’ombre de René Rémond


Qui s’attaque à l’histoire des droites prend la suite de René Rémond, historien et politiste qui publia en 1954 La droite en France de 1815 à nos jours, plusieurs fois rééditée ensuite. La thèse de Rémond est simple, il analyse que, par-delà les changements de noms et de régimes, il distingue trois familles de pensée au sein de la droite : légitimistes (c’est-à-dire la tradition contre-révolutionnaire), Orléanistes (des libéraux désireux de donner à la France un régime équilibré) et bonapartistes (partisans d’un Etat fort ou le souverain a un lien direct avec le peuple). Gilles Richard dans son introduction critique cette démarche « généalogique », notant avec justesse que même René Rémond avait pris ses distances avec sa propre classification, notamment au sujet du front national. Reste en tout cas que Gilles Richard reste très fidèle à l’analyse de René Rémond dans sa partie consacrée au 19e siècle, jusqu’à l’avènement et la consolidation de la IIIe République.


Quid des nationalistes ?

 

Gilles Richard a raison de mentionner, fin XIXe siècle la naissance d’un courant de pensée nationaliste qui va, des barrésiens à l’Action Française, considérablement bouleverser la donne politique. Cette famille va être disqualifiée à la Libération pour avoir, non sans exceptions, participé à Vichy et à la politique de collaboration. Il semble cependant minorer le fait que le plus grand des nationalistes fut Charles de Gaulle à qui les représentants de ce courant reprochèrent son pragmatisme qui l’amena, en bon démocrate-chrétien, à reconnaître le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (avec l’indépendance de l’Algérie). Il le voit cependant en grand stratège capable de lever l’hypothèque politique des modérés du CNI, partenaire essentiel en 1958 et marginalisé après 1962.

 

Une actualité brûlante

 

 La partie la plus prenante de l’ouvrage commence lorsque Gilles Richard s’attaque à la période débutant en 1974 jusqu’à aujourd’hui. Le parti dit gaulliste (RPR) se rallie au néolibéralisme (malgré l’opposition tardive du tandem Pasqua/Séguin) vanté par VGE et ses amis (puis héritiers) par pur calcul tactique de Chirac qui y voit la possibilité de gagner l’élection présidentielle. Le Front National, conglomérat hétéroclite de la famille nationaliste (selon Gilles Richard qui refuse d’utiliser l’appellation d’extrême-droite), surgit dans ces années comme un diable sorti de sa boîte. Ses succès sont largement dus aux conséquences de la troisième Révolution industrielle qui disloquent la classe ouvrière, aux progrès de l’unification européenne et à la mauvaise intégration de certains immigrés.

 

Pour Richard, le candidat actuel des Républicains, après les échecs de Sarkozy, tente une synthèse entre un programme économique ultra-libéral (qu’en penserait son mentor Philippe Séguin ????!!!) et un catholicisme traditionnel afin de gagner face à des gauches émiettées et fractionnées (grâce au ralliement du PS à une ligne néolibérale) et un FN de plus en plus puissant. Gilles Richard émet des doutes sur la pertinence de cette stratégie, surtout en prenant en compte les derniers développements de l’affaire Fillon. Voilà en tout cas un ouvrage passionnant, surtout dans sa seconde moitié.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Gilles Richard, Histoire des droites en France, Perrin, mars 2017, 640 pages, 27 €

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