Maurizio Ferraris : zéro de conduite

Le philosophe turinois Maurizio Ferraris a déjà écrit sur les déboires de l’humain face (ou accroché) au téléphone portable. Adepte d’Umberto Eco et de Derrida il a réduit le nouveau réalisme philosophique en une version un peu kitsch pour rappeler combien le réel résiste au regard et combien en dehors des faits la philosophie ne dit rien qui vaille.

Face à l’inconsistance postmoderne l’auteur montre comment l’imbécillité - qu’il ne faut pas confondre avec l’idiotie - est le concept le plus répandu parmi les hommes. Ils l’incarnent avec superbe voire emphase Bref l’auteur rappelle que les cons sont partout. Chez les élites (où l’imbécillité devrait être consciente) comme chez les « gens » pour parler le Mélenchon. Seuls ceux qui comme Novarina pratiquent « l’exercice assidu de l’idiotie » choisissent de refuser toutes valeurs cognitives. Les autres s’y embourbent au sein  de leurs divers degrés zéro de la spéculation et de la vanité.

Dans ce tir aux pigeons, Ferraris n’y va pas par le dos de la cuillère. Côté francophone Rousseau et Flaubert en prennent pour leur grade. Mais l’anecdote tient lien de thèse et c’est un peu mince. Nietzsche est le premier à être dégommé au nom de sa phrase : « le chaos en soi enfante sa propre étoile ». Preuve que la férocité pamphlétaire est plus drôle (enfin presque) qu’impertinente. Certes l’auteur n’est pas dupe de sa farce puisqu’en se prétendant ignorant, il fait œuvre d’intelligence relative. Et cela se gâte autre lorsqu’il confond le mal et l’imbécillité. A ce titre un Mengelé n’aurait été qu’un crétin, ce qui un peu mince et une manière cavalière de l’excuser à bon compte.

Tout, bien sûr, est question de point de vue. Difficile d’évaluer un livre au simple nom de notre propre insuffisance. Il est vrai que chez l’Italien toute condescendance semble disparaître par ce nivellement par le bas. Reste néanmoins pour s’en convaincre de s’en remettre à notre bêtise ce qui est notoirement mince. Dès lors la philosophie de l’ignorance ne semble pas plus convaincante que l’ignorance de la philosophie.

Jean-Paul Gavard-Perret

Maurizio Ferraris, L'imbécillité est une chose sérieuse, P. U F., août 2017, 148 pages, 12 €

 

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