JP Delaney, La fille d'avant : Une mécanique de précision

Une maison inquiétante, un architecte fantasque et exigeant, plusieurs femmes, plusieurs morts suspectes. Une bonne intrigue tient-elle sur un ticket de métro ? 

D'abord l'histoire : deux femmes, Emma et Jane, à des intervalles de temps séparés, cherchent à Londres un logement. Devant la pénurie de l'offre, elles se rabattent par défaut sur la même maison située au 1, Folgate Street proposée par l'agence immobilière. Avant elles certains candidats ont décliné ce bien ou n'ont pas réussi à être retenus. En effet, rien n'y parait normal : d'abord un questionnaire comportemental et intrusif communiqué par l'agence de location ; ensuite des règles de vie imposées par un étrange propriétaire, l'architecte Edward Monkford ; le lieu lui-même, ultra moderne, à la décoration minimaliste et commandé par un système d'information destiné à transformer ses habitants ; enfin l'histoire du lieu entaché par des morts brutales. Le récit suit les deux femmes à deux époques différentes. Toutes deux se ressemblent de façon étrange. Seulement Emma est décédée quelques mois avant l'arrivée de Jane. Son destin est-il scellé ?

Voici un thriller qui répond à de nombreux critères qui peuvent en faire un succès de librairie :

  • Déroutant : Ce qui commence comme un récit fantastique bascule dans un thriller plus conventionnel mais qui captive le lecteur par ses héroïnes à la personnalité complexe et attachante.
  • Captivant : l'auteur joue sur plusieurs cordes ; une maison mystérieuse, la répétition de l'histoire entre les deux femmes, des personnalités à tiroir, un soupçon de sexe et de perversion.
  • Efficace : les chapitres courts en font un page turner addictif. Les retournements de situation sont nombreux et font perdre pied au lecteur, relançant son intérêt avec habileté.
  • Marketing : avec un soupçon de perversité sexuelle qui fait penser (même sans l'avoir lu) à 50 Nuances de Grey. Malheureusement l'utilisation de ce ressort narratif est poussée de façon artificielle avec l'intention évidente d'attirer le chaland.
  • Emouvant : avec un twist émotionnel au terme du récit qui fait échos à la vie de l'auteur lui-même (cf.interview au Bookreporter).

L'auteur, JP Delaney, est inconnu au bataillon. Pas d'information sur le Net. S'agit-il d'un femme ou d'un homme ? Voilà une intrigue supplémentaire. En fouillant un peu, je comprend que Delaney est en fait le pseudonyme d'un auteur anglais, Tony Strong (cf. article du New York Times).  Facétie de cet auteur, habile narrateur des états d'âme de ces deux héroïnes.

Au final, la mécanique précise de cette intrigue, menée rondement et sans prétention, donne un livre qui se lit somme toute avec plaisir.

Thomas Sandorf

J.P. Delaney, La fille d'avant, traduit de l'anglais par Jean Esch, Fayard/Mazarine (8 mars 2017), 432 pages, 21,9€ (ou en Kindle pour 15,99€)

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