Les désacralisations de Stéphane Sangral

C'est sans doute parce qu'il est philosophe tout autant poète que Stéphane Sangral ouvre bien des portes là où même la plus haute pensée – ou celle qui se présente pour telle – achoppe.
Dans un livre somme il propose le basculement de l'individualité et indivuité qui fut d'abord pour lui un lieu pour rêver le bout du chemin. Mais il sort ici de ce qu'il estime désormais une absurdité messianique fruit d'une théologie moins d'une philosophie et dont le propos n'était qu'un enfantillage.
Ici il rénove son concept – de données sociales en termes de possibilité d’abolition des processus identitaires et de leur violence psychique et physique, dont l’archétype est le militarisme – pour le rapprocher  de possibilité d’abolition des écrasantes structurations sociales verticales et guerrières. Il rejoint ainsi la possibilité d’élaboration d’une identité singulière, émancipée, épanouie pour construire l’élaboration d’une verticalité privée qui n'a rien à voir toutefois avec le divin et son piège. Car, écrit-il, se rapprocher du divin est un mouvement de désappropriation de soi, la formation d’une brèche par laquelle s’engouffrent les injonctions collectives, et être, ainsi presque totalement noyé de sens exogène. 
Toute son interrogation repose sur l’étrangeté d’être, et plus précisément d’être conscient, et plus précisément d’être conscient d’être conscient. Dès lors son concept d'indivuité gardera encore des frontières floues eu égard à la liberté qu'il contient mais qui ne peut plus se réduire à une simple individualisation puisque ce nouveau générique est porteur de conscience réflexive inaliénable à un enfermement égotique.
Contre le cauchemar du totalitarisme et l'uniformisation des individus  qui leur font perdre singularité et liberté, l'auteur propose une indignation (elle va bien plus loin que ceux qui dans un parti politique feignent de la louer) pour un moment à venir.
Et ce, en passant d'une approche cérémonielle qui s'intègre à le dévotion d'une transcendance collective, à une approche du divertissement dans le désir de prendre part à une sorte d'immanence collective qui vient enfin tordre la cou autant aux philosophies de le révélation qu'aux bolchévismes de tout horizon – on a vu où ils nous mènent. Ce n'est cependant  ici qu'illustrer que très partiellement d'un ouvrage majeur du temps qui a pour aussi de s'élever contre les guerres et violences. 
À lire absolument.

Jean-Paul Gavard-Perret

Stéphane Sangral, L'individuité ou la guerre, Galilée, janvier 2023, 314 p.-, 24€

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