Romy Alizée : le plaisir de la prise








Modèle et comédienne Romy Alizée est aussi photographe. Qu’importe la photogénie de ses modèles : l’artiste s'amuse à leur côté avec tendresse et en préférant la drôlerie au transcendantal. Dans la destruction narrative du sublime - sans pour autant que la laideur prenne place – la photographe préfère l’instant à l’éternité. Tout est réversible et dynamique au sein de ses images où le monde de l’intime dérive. Quant au ciel il est absent afin que les nuages n’y apparaissent jamais.


Romy Alizée cherche les formes qui sauront la contenter lorsqu’elle apprivoise  des scènes familières parfois troubles dans une expression acide et poétique. Le monde est en fête, il devient léger. La femme aux cents sourires se faufile entre les êtres qui parfois ne se doutent de rien. Pour cela elle a su quitter la stabilité, l’assurance, risquer parfois l’incompréhension pour continuer sa route telle la « Candy Cigarette » de Sally Mann.


La photographie lui sert à tester des possibilités, à dilater ses idées et à beaucoup s’amuser. Mais peu à peu Romy Alizée s’est rendue  compte que l’effet de ses photographies pouvait être une mise en abîme du « réel ». Adepte de rock, de punk, d’electronica et des musiques pops, celle que les photographes vampirisent peut désormais leur renvoyer la balle.


Dans ses photographies elle cache son émotion. Il existe chez elle un peu de Laurie Anderson, d’Aya Takano et de Sally Cruikshank. Elle deviendra leur alter-égo car avec le temps elle parvient à saisir l’évidence lumineuse de  situations décalées. Les certitudes comme les apparences sont ébranlées non par effet de délire mais de transfert et d’écartement. Du moins tant que faire se peut.


Romy Alizée se et nous dégage des arrêtes polies, lisses, achevées et des axiomes théoriques sur l’image. Celle-ci devient autre chose que l’indice de la possession carnassière des apparences, ou que la mimesis dans laquelle se fourvoie le prétendu "réalisme". Souvenons-nous de Beckett : "Qu'ils ne viennent plus nous emmerder avec ces histoires d'objectivité et de choses vues".

Jean-Paul Gavard-Perret


Romy Alizée, « The room got heavy »

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