Ousmane Sow, le sculpteur en grand

Un premier mot, jom, pour donner la dimension de l’homme, qui est par ricochet celle de ses œuvres. Ce mo appartient à la langue de son pays, le wolof. Il allie, nous dit Léopold Sédar Senghor, les notions de dignité, intégrité et responsabilité. On peut le croire car la carrière de cet artiste est pétrie de jom, comme ses sculptures donc, ce qui n’exclut pas l’aventure des formes, le pouvoir d’interroger les évènements et éventuellement de déranger celui qui les regarde. Par la taille, l’expression, le message impliqué dans les torsions des membres, les yeux qui pénètrent loin dans la mémoire, les attitudes d’imploration et de combat que les volumes délivrent, chaque statue a vocation à « célébrer la vie » et à la défendre. 

 

Devant Sitting Bull en prière (bronze unique de 2004) comme devant les Lutteurs aux bâtons ou la Scène de mariage (l’une et l’autre appartenant à la série « Petits Noubas »), ce sont des convictions qui ont été façonnées par des mains qui en comprennent la valeur des engagements, ancestraux, familiaux, artistiques, peu importe. La statue de « ce géant capuchonné » qui avance en protégeant cet autre être que l’on ne voit pas et dont seul un pied nu indique la taille, frappe autant par le silence qui marche avec eux que par l’appel qui est lancé au visage de l’indifférence. L’Homme et l’enfant (technique mixte) mesure 240 cm. Autrement dit, on n’est moins devant une monumentalité qui en impose que face à une humilité qui impressionne par son humanité.

 

 

Au cours d’une interview, les noms de quelques grands sculpteurs, Giacometti, Bourdelle, Maillol, sont mentionnés. A l’évidence, on pense à eux en voyant les œuvres d’Ousmane Sow. Dépouillement, masse, gestuelle, il unit cela qui est à la base de son travail mais il le signe des traits propres à sa culture, à son passé, au message qu’il entend faire circuler parmi les esprits de belle volonté. Pas de carrière menée au détriment de soi, rien de la mise militante sinon la démarche de celui qui croît dans ce qu’il entreprend pour « panser les blessures vitales » et assurer la reconnaissance des droits du prochain. 

 

 

Ousmane Sow a beaucoup exposé dans le monde. Il est partout sollicité. Il est prêt à partir, souligne-t-il, mais il ne peut rester longtemps loin de son atelier, de la glaise, de ses mélanges, de Dakar. Lui qui a revêtu le très seyant habit d’académicien, il aime retrouver ses « baskets maculées », ses projets en attente, les corps dont il va, comme Rodin dont il admire l’audace, construire les étonnantes architectures. Au fil des pages de ce petit ouvrage, l’auteur des statues de Victor Hugo (Besançon) et de Nelson Mandela, du Guerrier debout, des séries Zoulou et Peuls, apparaît tel que ses personnages sont, c’est à dire grands, vrais, héritiers de l’intemporel, hors des modes, « en phase avec la création ».

  

Dominique Vergnon   

 

Françoise Monnin, Béatrice Soulé, Ousmane Sow, éditions Ides et Calendes, 12x17 cm, 120 pages dont 40 illustrées en couleur ; novembre 2014, 24 euros.  

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.