Le périple outremer d’une artiste

Avoir une telle personnalité ne s’improvise pas, on l’a de naissance, par héritage. Elle se construit sur un socle éprouvé par ce qui en favorise l’éclosion, dans un milieu social ou le “capital culturel” se transmet, la fortune accompagnant l’éducation, l’esprit d’ouverture s’alliant au désir de connaissance. Lire, dessiner, danser, voyager représentent plus que des loisirs, des sources d’enrichissement personnel dont les autres profitent.  Régine est l’héroïne à la fois discrète et omniprésente de ce livre. Un long voyage de noces aux Indes néerlandaises et Tahiti en 1931, alors que se tient à Paris l’Exposition coloniale, préfigure celui qui suivra à bord de La Korrigane. C’est le nom de cet ancien morutier terre-neuvas transformé en un « confortable et luxueux yacht de plaisance » qui va parcourir les mers. A son bord, Régine van den Broek d’Obrenan qui est en quelque sorte celle qui tient le cap et garde la barre de cette passionnante aventure.

 

 

Elle a en plus dans les mains crayons, craies, pastels et pinceaux afin que ce qu’elle observe sous ces lointaines latitudes deviennent autant un recueil de souvenirs pour elle-même qu’un document de références pour les générations suivantes, un album à l’usage d’une vaste famille autant qu’un guide pour les curieux qui s’intéressent aux contrées différentes des leurs, à la vie des populations océaniennes, à l’art local, aux coutumes exotiques. Cette traversée océanique est une odyssée ethnographique. Deux ans d’observations équivalent aux nombreuses pages de leur relation. Les aquarelles, les peintures et les croquis dont la naïveté accroît le charme rendent compte de ce qui est vu et vécu dans l’instant du déroulement de l’action. Scènes de mariage au Fidji, notable des îles Salomon, rizières à Bali, écluses sur le canal de Panama, marché en Papouasie, le lecteur navigue « sous les voiles » de La Korrigane, autrement dit, il vogue sous le charme de ce récit qui se déploie dans un environnement certes privilégié, la vie à bord étant « assez spartiate » mais avec néanmoins « une ménagère en argent pour les diners dans la salle à manger » du bateau pour que les hôtes soient reçus comme il convient lors des escales. On admire entre autres les planches des poissons multicolores du Pacifique.

 

 

Les objets rapportés par La Korrigane ont été transférés du musée de l’Homme au profit de celui du quai Branly, ce qui peut donner une idée de l’intérêt de ces expéditions, que Maurice Herzog trouvait « magnifique, tout simplement ».

 

Dominique Vergnon

 

Christian Coiffier, Régine van den Broek d’Obrenan, une artiste à bord de La Korrigane, Somogy éditions d’art, 262 pages, 300 illustrations, 19x26 cm, novembre 2014, 35 euros. 

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