Les Chaises vides, ou la position du démissionnaire d'un petit prof

Que répondre à un enseignant qui explique qu'il est normal de comparer ses élèves à des animaux, puisqu'ils sentent mauvais ? Rien, sinon qu’il doit bien connaître la question, tant l’ouvrage qu’il a lui-même écrit est puant.

Cela s’appelle les Chaises vides parce que l’auteur, Christophe Etemadzadeh, fils spirituel de Bégaudeau, a tellement souffert pendant les cinq années où il a enseigné que son rêve était de faire cours dans des classes sans élèves. Le rêve étant inaccessible, il a donc démissionné.

L’ouvrage est malheureusement aussi vide que les chaises de son titre. Pour être plus précis, il n’est pas totalement vide, mais il est, ce qui est beaucoup plus grave étant donné le sujet, terriblement lacunaire. Certes, ce qu’il raconte est sans doute en grande partie vrai : déception du jeune professeur devant l’inanité verbeuse de la « formation » qui lui est proposée ; dégoût lorsque, quittant la théorie pour la pratique, il se retrouve face à des élèves idiots, bornés, violents, racistes…  Oui, nous voulons bien croire qu’il existe en France un certain nombre de « Zones interdites » qui produisent des collèges comme celui dans lequel Christophe Etemadzadeh s’est retrouvé. Les Zones « autorisées » ne sont pas toujours elles-mêmes d’une folle gaieté…

Seulement, pas une seconde les observations ne débouchent sur quoi que ce soit de positif. Nulle part notre héros défroqué ne se demande pourquoi ses élèves font ce qu’ils font et sont ce qu’ils sont. Pour parler comme eux, mais surtout comme lui, dans sa vigoureuse prose, il s’en fout. L’idée que la formation inadéquate qu’il a lui-même reçue puisse être l’une des causes majeures de l’hostilité des élèves à l’égard de l’enseignement qui leur est infligé ne semble pas lui traverser une seconde l’esprit. Ceux-ci, nous dit-il (et on veut bien le croire), ne l’écoutent guère quand il parle. Mais de quoi leur parle-t-il, au juste ? Quels textes essaie-t-il de lire avec eux ? Ah oui, Cyrano de Bergerac, qu’il porte aux nues, et dont l’adaptation cinématographique avec Depardieu a fait l’objet d’un dvd qui le dispensera de deux heures de cours ! Quant à savoir ce qu’il essaie, ou même essaierait de faire passer à travers son enseignement…

Lourd silence aussi, même si le ton se veut guilleret et triomphant, dans la dernière page, quand « l’évadé » refuse de dire comment il a fait pour s’évader et où il s’est réfugié. Où donc a-t-il trouvé luxe, calme et volupté ? On peut sans doute avec raison dénoncer le corps enseignant, sa médiocrité, tout ce qu’on voudra, mais, comme dirait Woody Allen, quand on voit le mal qu’on a à trouver un plombier qui soit capable d’arriver à l’heure prévue et de s’acquitter correctement de la tâche pour laquelle on l’avait appelé, on se dit que l’Enseignement est une institution qui, comparativement, ne marche pas si mal.

Oserons-nous enfin faire remarquer à cet Ex que l’évasion dont il est si fier reste très relative puisque, plan média oblige, ses Chaises vides sont sorties, comme par hasard, une semaine avant la rentrée scolaire ?

FAL

Christophe Etemadzadeh, Les Chaises vides, Denoël, août 2008, 145 pages, 13 euros

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{"content":"Une bonne critique subjective d'un auteur bien ancr\u00e9 \u00e0 gauche qui voit dans la banlieue des victimes de la soci\u00e9t\u00e9 et autres chances pour la france en n'y enseignant pas alors que ce livre parle de la vraie r\u00e9alit\u00e9 des ann\u00e9es coll\u00e8ge\/ lyc\u00e9e remplis d'\u00e9l\u00e8ves de banlieue qui n'\u00e9volueront qu'entre entre deal et shit et rouleront en BM vol\u00e9e puis br\u00fbl\u00e9e le 14 juillet."}