Gilles Ortlieb d'une rive à l'autre

Est-ce la seule manière de s'approcher de l’art ? Est-ce le seul moyen de franchir le pont suspendu au dessus du vide entre le réel et sa représentation  ? Toujours est-il qu’Ortlieb a cesse d’infiltrer la surface. Soudain celle-ci n’est plus  droite comme un i  au moment où l’auteur ne se veut plus ilote rêvant de devenir idole sous prétexte de figer et fixer la surface comme une parcelle d’éternité.
Il ne s’agit plus seulement de tendre une surface mais de la faire pendre  afin de mettre sur la rétine du postiche. La surface n’est donc  plus l’infirmière impeccable de nos identités. Elle se distend comme une peau usée pour nous travailler là où notre imagination morte peut imaginer encore face à ce qui est montré comme proche mais étranger. Ce qu’on appelle le cabotage  fait remonter ou descendre des formes flottantes en une manière de suggérer  le corps : le corps exsangue, absent, à la dérive.
Nous  n’abordons plus la poésie à travers une surface lisse, rassurante mais ce qu’il en reste. En ce sens la représentation n’est plus la maison de l’être mais une peau vieille et parfois retournée. D'une rive à l'autre.

Jean-Paul Gavard-Perret

Gilles Ortlieb, Cabotages, illustrations de Denis Martin, Fata Morgana, mars 2024, 96 p.-, 21€

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