La campagne de Julien en Perse, 363 près JC

On ne présente plus ces petits volumes de la collection « Illustoria », synthétiques et clairs, agrémentés de cartes, d’index, de repères chronologiques et d’illustrations judicieuses.     Catherine Wolff, professeur d’histoire romaine à l’Université d’Avignon, nous entraîne sur les pas de l’empereur Julien, dans son ultime campagne militaire en  Perse en 363.


Le danger perse

Elle brosse le tableau rapide des forces en présence. L’armée perse a pour pilier des unités de cavaliers cuirassés, composées de l’élite aristocratique de Sapor II, l’empereur. Elles sont appuyées par une cavalerie plus légère, donc plus souple, composée d’archers. Le second empire perse a aussi une infanterie, devenue moins médiocre face aux légions romaines, grâce à l’expérience apportée par des transfuges. L’affrontement entre Romains et Perses n’est pas une nouveauté au IVe siècle. Les Romains ont lutté à de multiples reprises contre les Parthes, qui précèdent le second empire perse, puis contre ce dernier. Les Perses revendiquent les anciennes provinces achéménides et souhaitent retrouver les rivages de la Méditerranée. Les Romains s’y opposent, la rivalité n’a pas de solution.

« Julien l’apostat »

Julien est né en mai-juin 511 ; On ne peut que rester rêveur devant les destins des empereurs romains qui sont souvent des miraculés. C’est le cas de Julien. Dresser son portrait est un exercice périlleux. En effet, Julien essaye de rénover le paganisme face à un christianisme triomphant. Selon que l’auteur est païen ou chrétien, le portrait est radicalement différent. Catherine Wolff nous livre aussi un extrait poignant de l’autoportrait fait par Julien en personne : il se dit sale par choix, ongles cassés, barbe pouilleuse, cheveux rarement coiffés, poilu, jamais épilé, « tant je suis d’humeur fâcheuse et d’esprit étroit ». Apparenté à Constantin, Julien échappe au massacre de sa famille en 337. Il mène une existence chaotique de prince, dont la vie ne tient qu’à un fil, et se forme, au gré de ses vicissitudes, à Pergame et à Ephèse. Les philosophes néoplatoniciens sont déterminants dans son retour au paganisme. Nommé César en 355, en vertu du principe de survie (?), Julien mène campagne contre les barbares au nord de la Gaule. Proclamé empereur par ses troupes, sans avoir à éliminer son rival Constance, mort dans l’intervalle, Julien arrive à Constantinople en 361. Après avoir pris toutes sortes de mesures hostiles au christianisme, il s’installe à Antioche pour préparer l’expédition contre les Perses. Il s’agit de se venger des multiples agressions perses, au moins dans la version officielle… On voit un Julien, adepte des philosophes mais instable, emporté, démesuré, trop sensible aux louanges et d’une superstition telle (il semble être le dernier empereur à avoir consulté les fameux Livres Sibyllins), qu’elle achève de le brouiller avec les habitants. Son allure négligée ne manque pas de lui nuire.

Une expédition impulsive ?

Julien monte son expédition malgré la réticence d’une bonne partie de son entourage et de son armée, surtout celle venue d’occident, qui se demande ce qu’elle fait là, quand les barbares menacent toujours la Gaule. On complote contre lui, mais l’abus d’alcool évente les conjurés.. Le 5 mars 363, l’armée se met en marche, accompagnée par une flotte qui suit l’Euphrate. L’avance se fait, festonnée de signes interprétés de façon favorable ou néfaste. On laisse des villes non prises et les Perses se dérobent. Julien prend la ville de Pirisabora et prend des risques personnels inconsidérés, n’hésitant pas à aller à l’assaut d’une porte, émulé par les exemples d’Alexandre ou de Scipion Emilien. Il n’hésite pas non plus à se jeter sur les Perses qui harcèlent l’armée et châtie les légionnaires défaillants par un simulacre de décimation. À Ctésiphon, l’impatience de Julien est à son comble. C’est sous les murs de la ville qui résiste, que la première bataille véritable a lieu. Si la victoire romaine est incontestable, elle est entachée par la résistance de la ville. Julien sacrifie à Mars mais les signes étant défavorables (neuf taureaux meurent avant l’autel et le dixième s’enfuit !), il se fâche avec le dieu et commet le sacrilège de le défier

Enlisement et mort…

Sapor II se refuse à une bataille décisive. Julien brûle ses vaisseaux, erre quelque peu puis ordonne la retraite le 20 juin, harcelé par les Perses Le 26 juin, malgré des présages défavorables, Julien se remet en marche. Il est blessé dans un combat contre la cavalerie cuirassée perse. On ignorera toujours si le coup qui provoque sa mort quelques heures plus tard vient de son camp (version chrétienne de la punition de l’apostat) ou de l’adversaire, malgré la protection de ses quarante gardes vêtus de blanc,  même si l’auteur penche en faveur de la seconde hypothèse… En mourant Julien aurait dit « Galiléen, tu as vaincu… » C’est peu vraisemblable. Il est beaucoup plus probable qu’il ait manifesté son dépit à Apollon, son dieu préféré. 

Un empereur, chrétien,  Jovien, est aussitôt acclamé par l’armée. Il achète la paix à prix d’or tout en proclamant sa victoire. Si en termes de tactique, la victoire est réelle, au point de vue stratégique, c’est une expédition pour rien, la dernière grande chevauchée extérieure de l’empire.

Catherine Wolff n’a pas le lyrisme de Jacques Benoist-Méchin dans sa fameuse série sur l’Histoire. Elle ne dispose pas non plus du format nécessaire à ce type d’exercice. Son ouvrage est toutefois salutaire pour garder les pieds sur terre, grâce à la clarté de sa synthèse. Un petit bémol… L’ouvrage propose de visiter des lieux en rapport avec son sujet. Il ne reste tellement rien de cette expédition, que les efforts de l’auteur pour en trouver prêtent à sourire.


Didier Paineau
 

Catherine Wolff, La campagne de Julien en Perse, Maison, "illustoria", avril 2010, 101 pages, 14,90 euros

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