Les ducs et duchesses de Bretagne du Xe au XVIe siècle

Philippe Tourault est un Universitaire nantais, auteur de plusieurs ouvrages sur l’Histoire de la Bretagne, dont une biographie de la duchesse Anne, éditée quatre fois. Depuis 2007, il est Président du jury du « Grand prix du livre d’Histoire ». Il enrichit la bibliographie bretonne avec son livre sur les ducs et duchesses de Bretagne du Xe au XVIe siècle, qui vient de paraître, encore chez Perrin. Le travail n’a pas été facile car il a fallu à Philippe Tourault, chevaucher les siècles, entre les querelles internes et la complexité des relations extérieures, le tout pour une trentaine de ducs qui se sont succédé… Malgré les difficultés, l’ouvrage est clair, bien écrit et intéressant. Il se partage en trois parties : l’âge ingrat (de 900 1200 environ), l’âge adulte qui nous conduit jusqu’en 1450 puis la lente agonie jusqu’en 1532.

L’âge ingrat

La victoire bretonne sur Charles le chauve en 851, contraint ce dernier à accorder le titre de roi au prince breton Erispoé. Cela ne dure pas longtemps car la royauté est plus théorique que réelle. Elle ne dispose ni d’une tradition, ni d’une structure, ni d’une volonté d’en construire une. L’invasion et l’occupation viking balaye cette fragile construction. Le descendant du dernier roi, Alain Barbetorte, fort de la neutralité normande et de l’amitié du roi Louis IV, reconquiert la Bretagne à partir de 936 ; le voilà duc, ses voisins ne tolèreraient pas un roi. Jusqu’à sa mort, en 952, il s’emploie à redresser le pays. Son fils, trop jeune, ne peut empêcher les comtes de s’émanciper. Des luttes sans fin se succèdent entre les maisons de Rennes, Nantes… La maison rennaise l’emporte et fonde sa dynastie avec Conan1er en 990. La grande affaire sera de récupérer le pays nantais saisi par les Angevins… Encore des années de lutte. Une fois résolue, il s’agit de se libérer de la tutelle normande. A la mort, sans héritier, du duc Conan II, une troisième dynastie s’installe, celle de Cornouaille, en 1066. Si elle parvient à mettre sur pied une administration solide, à affaiblir la noblesse en promouvant la réforme grégorienne, elle ne peut se libérer vraiment de la tutelle anglo-normande ni soumettre les grands comtes comme les Penthièvre. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui réussissent à devenir la quatrième dynastie ducale en 1148, avec Conan IV.

La Bretagne devient un enjeu majeur entre l’Angleterre et la France. Conan a sollicité l’aide anglaise pour parvenir à devenir duc. Il sera le dernier duc d’origine bretonne, croqué par son allié Henri II Plantagenêt qui le force à abdiquer en 1166 et à marier son héritière avec un de ses fils. Le conflit entre ses héritiers (son fils Jean assassine son petit fils Arthur, duc de Bretagne) profite au Capétien Philippe Auguste. La Bretagne tombe sous la tutelle française. Philippe Auguste installe habilement une dynastie capétienne… Qui ne tarde pas à s’émanciper à son tour ! 

L’âge adulte
 
Elle reste cependant dans l’orbite française, toujours ménagée car l’Anglais n’est pas loin et que le duc est comte de Richmond en Angleterre. Philippe IV le Bel fait du duc de Bretagne, un pair du royaume. Copiant le modèle capétien, le duc se renforce, luttant tout à la fois contre ses vassaux turbulents et le haut clergé. La mort de Jean III en 1341, provoque une guerre de succession qui durera 23ans ! Le duc Jean IV (dynastie des Montfort), une fois établi, va assurer son pouvoir par sa neutralité alors que la guerre de Cent Ans fait rage, et son fils Jean V représente l’apogée de la Bretagne, se hissant au rôle d’arbitre. De 1380 à 1458, on peut parler d’un véritable Etat en Bretagne, avec ses nobles osumis, comme le haut clergé, un tiers qui adhère, un système fiscal, une cour brillante… François II, en 1458, est duc « par la grâce de Dieu » dans sa capitale de Nantes où il fonde une université.

La fin 

Louis XI entreprend de s’immiscer dans les affaires bretonnes par le biais des investitures épiscopales, provoquant l’alliance du duc et de Charles le Téméraire ! Les Bretons viennent assiéger Paris. Louis XI recule… Mais ne renonce pas, il veut la Bretagne et la Bourgogne, dépensant sans compter pour s’assurer des appuis. Cette politique est reprise par sa fille Anne qui assure la régence de Charles VIII. Elle suscite un désordre et une atmosphère de guerre civile en Bretagne, « naturellement » aplanis par l’intervention des troupes françaises en 1487 ; la Bretagne n’a pas les ressources démographiques suffisantes pour s’opposer. Le duc François II, vieilli, ne réagit pas. Il passe la main à sa toute jeune fille Anne. L’intervention anglaise et germanique ne change rien. Anne est contrainte d’épouser Charles VIII, pas plus ravi qu’elle. Le pays est mis sur la voie de l’assimilation malgré les états. Anne épouse Louis XII, après la mort de Charles. Elle défend son duché jusqu’à sa mort, voulant unir leur fille Claude à l’héritier du Saint Empire. Louis récupère les coudées franches avec le décès d’Anne et offre Claude à son héritier, le futur François Ier… Claude est faible.

On sera un temps Dauphin et duc de Bretagne puis le titre tombera en désuétude.

Un livre passionnant pour comprendre l’Histoire de notre pays par le truchement d’un de ses joyaux. Il est plein de péripéties et d’anecdotes impossibles à relater dans un article, mais la maîtrise de l’auteur rend toujours le récit intelligible.

Didier Paineau 

Philippe Tourault, Les Ducs et Duchesses de Bretagne, Perrin, index, tableaux généalogiques, sources, septembre 2009, 330 pages, 21 euros

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