François de Muizon présente une biographie remarquablement claire de Marthe Robin, le mystère décrypté de la petite paysanne fille de la Vierge

Un anniversaireIl y a trente ans mourait Marthe Robin. Cela méritait sans doute un énième livre après l’ouvrage de Jean-Jacques Antier paru dans la collection « Tempus » sur cette femme exceptionnelle. Marthe Robin est une paysanne de Châteauneuf-de-Galaure dans la Drôme, née en 1902 et décédée en 1981. C’est un des mystères les plus troublants de notre époque, dans un registre qui dérange,  couplé à un refus total de publicité.

La montée vers le ciel

L’enfance catholique ordinaire de Marthe s’assombrit de problèmes de santé dés la fin de la Grande Guerre. On ne trouve aucun remède. La Vierge, sa « maman », lui apparaît en 1921. Le lien se tisse à mesure que sa santé se dégrade, au grand désarroi de son père qui peine à payer les remèdes. Elle passe à deux doigts de la mort en 1927 et déclare avoir vu Thérèse de Lisieux pendant son coma. L’année suivante, les jambes de Marthe sont paralysées. En 1928, le diable lui donne un coup de poing et lui casse deux dents, dit-elle. Le dialogue qu’elle noue avec le ciel la conduit de plus en plus loin. En 1929, elle accepte de continuer à vivre pour sauver des âmes par sa souffrance ; en 1930, elle devient vierge consacrée à Dieu. Elle accepte les stigmates de Jésus chaque vendredi. Le curé de sa paroisse, le Père Faure est bien désemparé face à un cas qui dépasse son vieux bon sens de curé de campagne. A la fin de 1931, elle ne peut plus manger ni boire. Elle parvient quand même à communier : « J’ai envie de crier à ceux qui me demandent si je mange, que je mange plus qu’eux, car je suis nourrie par l’Eucharistie… »

L’Œuvre

Par le bouche à oreille, les visites commencent, il y en aura 103 000 jusqu’à sa mort. Jésus lui propose une mission : la création de « foyers de Charité » articulés autour de la Lumière, de la  Charité et de l’Amour, à rebours du « matérialisme satanique ». Ce projet  se concrétise dés sa rencontre avec le Père Finet qui devient son guide spirituel et un personnage-clef de cette histoire (1936). En 1939, Marthe fait le sacrifice de la vue. Puis elle accepte de faire le purgatoire de sa mère décédée, elle se met à appeler le Père Finet « Monsieur », pendant neuf mois elle est privée de Dieu, c’est le dam. En 1942, Monseigneur Pic  décide une expertise médicale par deux sommités de Lyon. Ce sera la seule, Marthe mourra peu de temps avant une seconde expertise. Elle n’explique rien et Marthe décide de se priver désormais du secours de la médecine.

Hommes donc  « hommeries »

L’œuvre se développe, et là où il y a des hommes, il y a des « hommeries » comme on disait. Le Père Finet fait écran entre Marthe et le monde. Il est surmené. Les conflits entre Marthe et lui sont assez fréquents, pour des raisons temporelles. Les journalistes « rappliquent », et leur publicité profane, donc caricaturale, ne manque pas de blesser nos protagonistes. On les éloigne d’autant plus que Marthe présente des témoignages de bilocation ou de connaissance, rationnellement impossible,  de la vie de ses visiteurs. La direction des Foyers entre dans la tempête. Le Vatican s’en mêle car le Père Finet, vieillissant et autoritaire, est contesté.

La Cuvette et les chaussons

En 1981, dans la nuit du 5 au 6 février, Marthe meurt. On la retrouve sur le sol avec des chaussons, une cuvette pleine de méléna et des chaises renversées, comment expliquer cela chez une personne totalement paralysée ? Par surcroît la chambre est fermée à clef et le Père Finet a cette clef sur lui. Pour le Père Finet, le diable l’a tuée. Elle a dit peu de temps auparavant qu’ « Il » (le Diable) irait jusqu’au bout. Le Père rend toute enquête impossible en effaçant les traces. Alors que reste-t-il de l’ouvrage de François de Muizon ? En premier lieu, à moitié chemin d’une enquête pour béatification, il n’y a rien de « décrypté ». L’auteur aura sans doute dû passer sous les fourches caudines des contraintes éditoriales pour le choix de son titre. Il reste la cuvette et les chaussons sordides, le clocher qui devient Clochemerle, voire « Clochemerde » en pensant au méléna. Qui peut décrypter le mystère de l’association profonde et effrayante entre la souffrance et l’amour ? Malgré tout, si la raison reste insatisfaite, c’est trop et trop peu, l’auteur présente la vie de Marthe de façon remarquablement claire et agréable à lire, tout de modestie, sans hagiographie. 


Didier Paineau 

François de Muizon, Marthe Robin, le mystère décrypté, Prsses de la Renaissance, août 2011, 324 pages, 20 euros

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