Né à Versailles, ingénieur et cadre dirigeant dans l'industrie puis conseiller d'entreprise en ingénierie pédagogique, Jean-Pierre Desthuilliers – poète de toujours -  prit enfin au sein de diverses activités associative la direction de « Jointure ».  Celui qui savait parfois recroqueviller ses mots pour mettre plus de forme dans la forme, et du lyrisme dans le lyrisme est salué - un an après sa disparition - dans cette revue comme il se doit. Les témoignages « justifient » l'importance de l'œuvre. Dans sa simplicité elle fit émerger une voix obstinée fidèle à l’être et ses amours. Ce numéro doit s'entendre comme une sorte de « récit » parfois très intime mais pudique de ceux qui furent ses proches. Pour d’autres l’œuvre reste encore à découvrir mais elle fera son chemin. S’y approche par la poésie l'expérience altière de la vie dont Jean-Pierre Desthuilliers  offrit une traversée impressionnante. Par sa langue il fait retour entre la terre et la tête et la séance restera ouverte loin du nocturne du monde car l'émotion est toujours présente dans son écriture. Celle-là  remonte par le cœur, par le corps. Son algèbre troue le réel. Quelques mots suffisent pour nous sentir encore avec le poète et sa sensualité qui fait l'imperceptible fondement de son écriture. Chaque fragment de ses textes retire des arpents de vie pour maintenir le rauque de la respiration. Il y a des jaillissements, des retombées avec à peine ça et là un ersatz de nostalgie. D'où cette scansion perpétuelle tirée hors des ombres appesanties. Quelque chose entre la perte et la mémoire demeure : une musique brûle, une chaleur étrange saisit le corps. La voix demeure derrière la mémoire, le nom, la peau. Les mots restent comme un ancrage et s'accrochent afin que rien ne s'achève.

Jean-Paul Gavard-Perret

Revue Jointure « Numéro dédié à Jean-Pierre Desthuilliers », numéro 98, 2014Paris.