Deux figures d’histoire

Pendant les quatre vingts années environ qui séparent leurs naissances, la France connaît des changements profonds. Jeanne et François en sont les acteurs majeurs. Les deux personnages que traitent ces ouvrages sont au rang des plus célèbres figures de notre histoire. Avec la première s’achève le Moyen Age, avec le second s’épanouit la Renaissance. D’un petit état où, selon les mots du chroniqueur Georges Chastelain qui a été écuyer du duc de Bourgogne, tout est « sens dessus dessous »,  on passe à un foyer d’humanisme qui s’est notablement affirmé. Quand Jeanne naît, aux marches de Lorraine, en 1412, le royaume est déchiré, les Anglais profitent de la situation pour nouer comme ils savent le faire des alliances qui accroissent l’effacement du trône royal. 



Quand François naît, en 1494, le rayonnement du pays est grand, les lettres et les arts fleurissent, les enjeux politiques impliquent non seulement l’Angleterre et bien sûr l’Italie mais aussi les empires des Ottomans et des Habsbourg. Après une courte existence qui n’est faite que de combats, Jeanne meurt en héroïne, image qu’elle laisse à la postérité. Quand il décède passé la cinquantaine, François est auréolé de gloire, il a subi l’humiliation de Pavie mais il a triomphé à Marignan. Le feu brûle la vie de la première, la maladie consume les forces du second. L’un et l’autre sont d’habiles stratèges, l’un  et l’autre ont été captifs. Ils ont en commun ce désir de voir leur patrie libre d’invasion et de défendre ce qu’aujourd’hui on appellerait des valeurs. 



Sachant prendre des initiatives, parlant l’italien, ami des lettrés, François réussit là où ses prédécesseurs ont plus ou moins échoué. Des chantiers nouveaux surtout de châteaux dont le prestigieux Chambord, une érudition née avec la passion des livres, la création du Collège de France et de l’imprimerie royale, l’envoi de Jacques Cartier jusqu’au Québec, l’accueil des plus remarquables artistes et le goût pour les œuvres d’art, les fastes de la cour, les acquisitions qui agrandissent les terres de  la couronne, les dépenses considérables compensées par un système douanier ingénieux, le renom transmis malgré les revers, dans tout cela se retrouve ce monarque dont Clouet laisse un portrait, parmi d’autres, intéressant. 

 


A l’opposé si l’on peut dire se tient Jeanne, la pieuse bergère qui va revêtir l’armure du soldat. Elle ne s’est pas formée dans un domaine particulier, sa vie publique est extrêmement courte, le périmètre de ses déplacements n’est guère ample qui va de Domrémy et Vaucouleurs à Orléans et Rouen, en passant par Compiègne et Poitiers. Ses exploits, elle les doit à son courage, son humour, sa foi. On dit que devant cette femme à la fois si forte et si fragile, les plus durs des soudards qui sont enrôlés dans son armée changent d’attitude. Son procès prouve la justesse de ses intuitions et atteste de la logique de ses réflexions. Mise en face des instruments de torture, elle reste impavide. Elle s’estime investie d’une mission. « Le sens profond de la vie de Jeanne s’exprime dans ses derniers instants ». 



Grâce à elle, « le 17 juillet 1429, dans la cathédrale de Reims, Charles VII ceint enfin la couronne de France, faisant ainsi taire les rumeurs de bâtardise et d’illégitimité » écrit l’auteur. Lors du sacre, Jeanne est présente. Quand on lui reprochera plus tard d’avoir arboré dans une église son étendard guerrier, elle répliquera qu’après avoir « été à la peine, c’était bien raison qu’il fût à l’honneur ». Le mot annonce celui que François 1er écrira à sa mère Louise de Savoie et que la mémoire retient sous la formule « Tout est perdu, fors l'honneur ». Un lien par-dessus le temps.  

 


En dépassant le cadre des repères courants qu’il est certes essentiel d’avoir en tête mais restent insuffisants pour qui désire avoir plus de détails et un regard renouvelé, Françoise Surcouf qui nous avait déjà réjouis avec son volume sur les « 80 symboles qui font la Bretagne », resitue ces deux vies exemplaires dans leurs contextes politiques, sociaux et culturels. Ici pas de prétention à explorer des archives inconnues ou inédites. Plutôt une démarche attentive, séduisante et utile qui se veut instructive et sincère. Elle entre par exemple dans l’intimité de la vie familiale de François 1er et elle rappelle que la vérité n’est pas que Léonard de Vinci soit mort dans les bras du roi. S’agissant de Jeanne, elle relate des faits confirmés par des sources authentifiées et prend en compte la part de la légende johannique. La présentation des différents visages de Jeanne incluent ceux que le cinéma lui a prêtés, de Théodor Dreyer à Robert Bresson. Très illustrés avec des pièces peu souvent reprises et qui sembleront à beaucoup des découvertes, ces deux petits livres constituent deux maillons à intégrer dans la longue chaîne des textes qui sont consacrés à deux noms phares jamais oubliés.  

 

Dominique Vergnon

 

Françoise Surcouf, Jeanne d’Arc, François 1er, Editions Ouest-France, chaque livre : 105 pages, 16,5x22 cm, nombreuses illustrations, mai 2015, 12 euros.

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