Un artiste du monde flottant

Prix Nobel de littérature en 2017, Kazuo Ishiguro écrit en anglais. S’il est bien né à Nagazaki en 1954, il débarque au Royaume uni dès l’âge de cinq ans. Sans doute doit-on y voir une explication à la neutralité de son écriture. On est loin de Mishima ou de Murakami (Kafka sur le rivage, 1Q84). Il faudra puiser dans la patience de la lecture. Laisser le temps au temps. Accepter les dialogues lents, longs. Accepter les codes, les traditions nippones. Nous sommes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Quelques années passent mais la reconstruction est difficile. La grande maison de Masugi Ono un vaste champ de ruines. Seules quelques pièces sont habitables. Mais on ne s’apitoie pas sur son sort au Japon. De ce temps qui s’écoule, Masugi Ono l’emploie à se remémorer ses vastes années. Son apprentissage de la peinture. Les réticences de ses parents, son père surtout. Son désir d’émancipation. La lutte des classes. Et cet espoir d’une autre vie après les horreurs de la guerre. Déjà cette quête de sens.
À croire que l’arrivée de la culture occidentale s’est très vite accompagnée d’une fuite de la spiritualité. Et surtout pour un artiste. Découvrir les ravages du matérialisme sur les desseins de la jeune génération, obnubilée par la possession dans ce pays où l’honneur et l’esprit avaient la primature en dit long… Constat d’un retournement des sensibilités. Soutenue par l’idée d’une paix éternelle, cette nouvelle mode consumériste démontre aujourd’hui combien elle est creuse, mortifère et donc dangereuse pour l’Homme.

Annabelle Hautecontre

Kazuo Ishiguro, Un artiste du monde flottant, traduit de l’anglais par Denis Authier, Folio, février 2023, 340 p.-, 9,20 €

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