Le "Journal, 1942-1944" d'Hélène Berr : une vie confisquée !

Cette jeune Française a 21 ans. Elle commence à écrire son journal. Printemps 1942. Les lois anti-juives de Vichy font leur apparition... Lentement, la vie va basculer. Hélène Berr mourra à Bergen Belsen. Pendant cinquante ans son manuscrit dormira. Trésor familial. Les chercheurs du Mémorial de la Shoah l’ont lu. Il fallait le publier.


Tout avait si bien débuté. La jeune Hélène s’en allait guillerette. Elle avait un rendez-vous. Au 40 de la rue de Villejust. Un certain Paul Valéry lui avait dit de passer prendre le livre qu’elle avait eu l’audace de lui demander de lui dédicacer. L’harmonie semble rythmer sa vie. Malgré l’immonde qui prend ses quartiers dans la capitale. Hélène s’en moque, elle a rencontré un garçon aux yeux gris. Elle est belle. Elle a ses plus belles années à vivre. Elle ne va pas s’en priver... D’autant que le ciel est avec elle. Le boulevard Saint-Michel est inondé de soleil. La foule s’écoule lentement. La vie serait belle, si..


lène Berr est imprégnée par la poésie. Par la littérature anglaise, elle qui est agrégative d’anglais. Elle semble avoir fait son choix. Elle sera écrivain... Sauf que. L’immonde est dans la place. Un soir, après ses cours à la Sorbonne, elle va au Luxembourg. Elle y croise un ami. Ils devisent. Il semble que l’Allemagne va gagner la guerre. Et qu’est-ce que cela changera ? Le soleil brillera toujours autant... Insouciance !

L’Histoire la rattrape. Juin, déjà, et l’étoile jaune à coudre sur ses vêtements. L’immonde se fait plus prégnant. Hélène Berr sent l’incommensurable distance entre son goût du bonheur et la noirceur dissonante du présent. Elle commence à ressentir la peine. La stupeur.


Fin juin, son père est arrêté par la Gestapo. Faute d’avoir porté l’étoile. Lui, décoré de la Croix de guerre. Et de la Légion d’honneur. Une cassure alors se produit dans l’esprit d’Hélène Berr. L’abîme infranchissable se creuse. Le ton du journal demeure. Mais la brièveté des phrases souligne l’urgence. Hélène semble deviner la suite. Elle garde les yeux ouverts. Délicate, elle décrit. Elle n’oublie rien. Elle témoigne. Elle ne se dérobe pas.


Avait-elle le pressentiment que dans l’avenir, on lirait son journal ? Il n’en demeure pas moins qu’une fois refermé, ce livre impose le silence. Afin de laisser la voix d’Hélène Berr marcher à nos côtés. Une voix. Et une présence qui nous accompagnera toute notre vie.


Annabelle Hautecontre


Hélène Berr, Journal, 1942-1944 suivi de Hélène Berr, une vie confisquée par Mariette Job (avec une préface de Patrick Modiano), Tallandier, décembre 2007, 300 p. - 20,00 €    

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