Le peintre Olivier Masmonteil revisite La mémoire du passé

On est hypnotisé car ce n’est ni le tableau qui vous saute à la gorge ni vous qui vous cachez derrière le peintre se regardant dépeindre un paysage, un portrait ou une scène, mais bien la force de l’œuvre en elle-même qui vous invite : ayez donc confiance, traversez le tain désormais invisible du cadre et installez-vous au centre du monde. Celui d'Olivier Masmonteil, un monde unique où le sfumato délicat et nuancé incite l’œil à se promener et à se divertir, pour une fois laissé libre de toute contrainte… alors, la lumière et, ici ou là, une tâche chaude, vous donneront l’impression de mouvement, donc de vie. Oui, il y a une âme sur cette toile, il y a un esprit dans ce champ, cet intérieur, cette chambre, forêt, cascade, montagne, quelque soit le thème, il vous inspirera ce moment de plénitude qui vous manque tant, cette incapacité à penser – enfin ! – pour n’être plus qu’électricité, sensitivité, émotion…



 

Jusqu’au 17 avril 2014, à la Galerie Dukan (24, rue Pastourelle, 75003 Paris), vous pouvez donc aller voir les tableaux de Jean Auguste Dominique Ingres qu’Olivier Masmonteil s'est approprié et, plus particulièrement, ces fameux portraits de commande connus, non pas pour leur sujet mais pour l’extraordinaire technique de rendu des drapés et matières. Interprétant sa réminiscence personnelle au seuil de la lucidité de sa mémoire, Masmonteil libère sa créativité : il fixe sur un plan unique toute l’ambigüité d’une pensée féconde et mobile qui devra accepter de se plier au diktat du plan unique.
Mais la peinture est fille de poète, elle ouvre donc tous les possibles pour que la main de l’artiste déflore une à une la soierie des songes et les pique avec des pigments dans un ballet de lumière, de reflets et de détails… Car il y a chez Olivier Masmonteil un incroyable souci du détail qui n’est pas sans rappeler Turner et son exceptionnelle précision de l’infiniment petit.

 

Quand vous serez au fond de la galerie, dans la dernière pièce, carré aux murs blancs, vous ferez alors face à ce fantôme de dame en bleu, songeant face à la fenêtre aux carreaux en damiers que le temps passe trop vite, que son fiancé lui manque, que les créanciers viendront lui prendre son dernier collier, que le froid aura raison d’elle, qu’importe… d’un ton sur tons dans les dégradés se rehaussent les contours, se devinent une perspective moderne, fil rouge de l’intemporalité de l’art, se découvre le raffinement du bracelet, orange, doré, seule touche de chaleur d’une main enroulant le ventre, matrice oubliée ou amour à venir ? Ce sont toutes ces possibilités offertes au regardeur qui envoûtent ; ce sont tous ces détails qui hypnotisent ; c’est bien cette beauté qui vous revigore et justifie que l’on regarde encore et encore et encore. Le monde, notre monde surtout, a tant besoin de beauté…




Il y a un érotisme feint, une sensualité suggérée que l’on avait déjà ressentis avec les Demoiselles oubliées, présence féminine partiellement dénudée qui hante la toile, chevauchant la perspective décalée d’un cadre dans le cadre, invitant le regardeur à n’être plus que spectateur, en d’autres termes à cesser d’être inactif : l’aura de l’œuvre vous impose de vous libérer vers cet ailleurs qu’Olivier Masmonteil vous expose, là, mine de rien, sous vos yeux ébahis et vos pieds qui n’en demandent pas tant pour franchir le pas. En entrant dans le tableau, physiquement, vous êtes alors partie prenante de l’œuvre, elle vous envoûtera en vous charmant, elle vous dévoilera ses intimités, comme cette jeune femme qui dégrafe son soutien-gorge, à genoux sur le bord du lit, prête à tous les sacrifices pour libérer le plaisir qui bout en elle. Prête à le partager avec vous si vous jouez le jeu, mais en serez-vous capable ? Capable d’oublier tous vos aprioris pour admettre que vous aimez ce que vous avez là, sous les yeux, dans les mains, au fond de votre bouche, dans votre esprit…



Oui, il y a quelque chose d’extraordinaire dans cette peinture, comme une force magnétique, un courant qui brûlera vos réticences à vous soumettre mais qui aura raison de vous, car face à tant de beauté incarnée seule une machine peut rester coi. Mais vous, qui êtes fait de chair et de sang, de sel et de piment, vous admettrez alors ce chamboulement dans votre ventre, ces picotements au bout des doigts, cette onde glacée qui suinte le long de votre échine et réveille vos désirs d’enfant, vos fantasmes d’adolescent, vos rêves d’adulte.

Vous y êtes : ouvrez les yeux, oubliez vous ; ne ressentez-vous pas comme une onde de bonheur qui s’empare de vous ?

 

François Xavier

 

Olivier Masmonteil, La mémoire du passé, Galerie Dukan, Paris, 8 mars – 17 avril 2014.

Du mardi au samedi, de 13 à 19 heures.

 

 

 

 

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