La valse à mille temps de Véronique Bergen

Parce que Ses cuissardes étincellent comme une armure et qu' Une force inconnue guide sa flânerie, Véronique Bergen nous emporte dans le mélange des temps, des architectures et des universaux en un univers sale non hollywoodien mais bruxellois. Un souffle néogothique s'empare de la ville sectionnée et mal couturée là où Succo a peut-être trouvé dans un tel saccage son inspiration meurtrière.
Véronique Bergen épouse (faute de mieux ?) les pas de celui qui fut aussi poète. Et la narratrice de cycloner dix promenades agrémentées de revenants, de sosies.
L'auteure s'y épanche avec délectation de tigresse et rêve que tous les condamnés à mort deviennent des échappés. Ainsi Succo peut être considéré comme le pion manquant entre Genet et elle. Mais elle n'oublie pas celles et ceux qu'elle nomme les transgresseurs des tabous fondateurs : Pierre Rivière, Violette Nozière. Le tout dans cette mixtion où une fois de plus et par la bande, la philosophe belge dit son fait avec pudeur aux histoires de filiation afin que toute branche familiale retourne par la marche forcée de la fiction au néant d’où elle n’aurait jamais dû sortir et où d'une certaine façon Succo et les autres ont accompli le travail.
C'est puissant, corrosif et étrangement apaisant. Preuve que Bergen est vraiment la sorcière nécessaire dans un monde où Dieu (via ses sbires et inventeurs) reste plus que jamais lui-même tueur fou de la pleine lune. Mais Succo n'est pas le seul et pour le prouver Véronique Bergen offre une fiction hallucinée de héros plus ou moins seuls sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société qu'eux-mêmes. Le tout pour évoquer de façon théâtrale et astucieusement exagérée les plus sociables et le plus aimants des humains et qui ont été proscrit par un accord unanime.

Jean-Paul Gavard-Perret

Véronique Bergen, Les danses de Roberto Succo, coll. Bruxelles se conte, Éditions maelstrÖm reEvolution, Bruxelles, juin 2023, 34 p.-, 10€

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.