Le papillon noir des origines

Yannick Haenel est un écrivain de la quatrième dimension qui pratique sans le savoir l’usage du trou de ver et appréhende l’échange des temps, sachant sans parvenir à le comprendre que la parole émane de cet instant où le temps rencontre la simplicité qui le supprime.
Ainsi est-il convaincu que la parole – donc ce qui conduit sa main quand il écrit – vient vers lui depuis le point nodal qui est celui du jour de sa mort. Remontant ainsi le temps ou s’en jouant avec la contraction de ce dernier dans une autre dimension, Haenel entend les mots qui le conduisent à nous narrer une histoire ou une situation…
Ici, une femme qui aurait traversé, elle aussi, son existence dans l’idée d’une mutation, hermaphrodite des idées ou transgenre, toujours est-il que le triangle noir qui articule ses émois parvient toujours à lui faire aimer les hommes comme les femmes.
Amour pour noyer le doute ?

Sommes-nous bien vivants, semble être le fil rouge de cet opéra d’un nouveau genre qui est né sous le ciel bleu de Rome à la fin des années 2000 lors d’une rencontre entre deux hommes : Yannick Haenel et le compositeur Yann Robin…
Vie, amour, désir, trois piliers d’une sagesse humaine qui tendrait à prouver que l’on est en vie ; mais est-ce bien résumé ? Tout au long du monologue de cette jeune femme, rentrée chez elle après avoir été renversée alors qu’elle traversait la route, le lecteur sera invité – comme le spectateur – à l’introspection dans l’idée délicate de longer à pas de loup la mince cloison qui le sépare de lui-même… Psychanalyse et auto-dérision ? La vie est une fête ou un métier de chaque instant ? Rubens ou Pavese ? Chacun trouvera dans cette œuvre une réponse à ses tourments et une idée de déplacement…
La vie est un voyage, disait Nietzsche…

On aurait aimé le DVD du spectacle monté à La Criée en 2018 tant la force des mots s’amplifie avec la musique ; l’opéra – comme la poésie – est avant un art de l’oralité…

 

François Xavier

 

Yannick Haenel, Papillon noir suivi de Longer à pas de loup, coll. L’Infini, Gallimard, octobre 2020, 50 p.-, 6 €
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