Le Méridional d’Henri Lopes est le pétard mouillé qui gâche l'anniversaire

Quinze ans que Jean-Noël Schifano s’évertue à offrir une caisse de résonance à la littérature africaine, quinze années de passion et de larmes, quinze baux renouvelés par Antoine Gallimard qui aura gravé ici un nouveau pan de l’histoire de la littérature : Continents noirs fête son quinzième anniversaire avec tambours et trompettes sous les ors de la République, dans une maison tout aussi exotique, celle de l’Amérique latine

Prétexte à présenter les nouveautés de l’année autour d’une table ronde avec écrivains en goguette, du pitre ambassadeur à l’écorché vif, du philosophe au poète, chacun ira de sa petite lecture, de son commentaire, de son étude comparée, de ses louanges à peine sur-jouées.

 

Il y a incontestablement une langue continentale déclinée en voix, idiomes, souffles et musiques particuliers qui invitent à se pencher très sérieusement sur le catalogue qui cache de véritables pépites : des romans de Mamadou Mahmoud N’Dongo à ceux de Gaston-Paul Effa, de Marie-Thérèse Humbert à la poésie extraordinaire de Tchicaya U Tam' si ! Et il y a Henri Lopes, manifestement encore tout chamboulé de ne pas avoir été choisi à la tête de l’OIF et qui n'est plus que l'ombre de lui-même, semble perdu, ailleurs, jouant avec sa tablette tout en étant à la tribune, attendant son tour en battant sa coulpe et essayant de retenir un bâillement… Et son tour arrive, il lit – fort bien –, commente – tout aussi professionnellement –, il faut dire qu’il connaît son sujet sur le bout des doigts. D’ailleurs, c’est là que le bât se déchire, et à défaut de blesser son orgueil, atteint notre patience quand il s’empare d’une lettre élogieuse à son encontre et nous en fait la lecture. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas !

 

Car, que renferme ce Méridional tant vanté ? Un sempiternel roman sur le métissage, encore et toujours le même livre, à croire qu’Henri Lopes se prend pour Jean d’Ormesson (mais lui ne risque pas d’atteindre le saint Graal, entrer dans la Pléiade). Soyons sérieux : ce livre est, dans son esprit, génétiquement identique au précédent, le remarquable Une enfant de Poto-Poto. Surtout, il débute formidablement, parvient à capter l’attention malgré le réchauffé, entretient un petit pincement, déplace ses personnages en faisant entrer un tiers dans un vase-clos. Un universitaire africain débarque à Noirmoutier, sur les conseils d’un ami peintre, pour terminer l’écriture d’un livre. C’est la basse saison, il dénote dans le paysage. On lui pose des questions. Puis il s’aperçoit qu’un des pêcheurs est comme lui, noir, enfin pas exactement, métis. Et…

 

Patatras ! Sous prétexte de retours en arrière, l’exilé, ce méridional, est décrit comme un ancien milicien, et on plonge alors le lecteur dans une série de clichés et autres poncifs sur les guerres intestines africaines, et le livre vous tombe des mains. On tente de résister quelques pages mais la qualité narrative s’est absentée, il n’y a plus de rythme, de pétillantes trouvailles, de joie… À force d’enfoncer les portes ouvertes, les pages resteront en double vantaux exposées au temps qui passe. On peine à se lever pour le ramasser. Si Jean-Edern était encore parmi nous, nul doute qu’il l’aurait lancé à travers la pièce, pointant l’âtre afin qu’il serve au moins à quelque chose.

 

François Xavier

 

Henri Lopes, Le Méridional, Gallimard, coll. "continents noirs", février 2015, 224 p. – 17,90 €

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