L’alliée de Napoléon

Pour faire court, très court, Jean-Marie Rouart a deux passions : les femmes et Napoléon. Une biographie du grand homme troussée par un prise différent de celui des historiens, en 2012 ; un vrai-faux biopic romancé en 2018 de la fameuse comtesse Berdaiev démontrent toute la palette créative du romancier qui se vit avant tout artiste. Ainsi écrit-il comme d’autres peignent ou composent : le style Rouart mêle lyrisme et expressionisme dans des palettes chatoyantes qui savent, au gré du récit, se noircir ou s’ouvrir à un pic d’humour ou une chute éclatante.
Fil rouge d’une étape historique, qui précède les Cent jours, la belle comtesse Miniaci va faire tourner la tête du geôlier de l’Empereur, le jeune colonel Campbell… Mais, bien au-delà d’un vaudeville d’époque, cette maîtresse italienne est un prétexte pour éclairer ce qui conduisit le grand proscrit à revenir en France, seul, sans armée, reconquérir le pouvoir tandis que l’Europe entière tente de statuer sur son sort à Vienne… Il est amusant de voir que les tergiversations de l’UE actuelle n’ont rien à envier aux atermoiements de 1814, la politique laissée aux politiciens n’est rien d’autre qu’un marchandage entre bonimenteurs. La question qui dérange ces messieurs – le sort de Napoléon – agite tout aussi fort la petite communauté de l’île d’Elbe qui fait semblant de vivre comme si de rien n’était. Or, les complots se trament – tuer l’Empereur ou l’enlever ? – et les alliances se défont aussi vite qu’elles s’imaginent. Le roi de Naples sert d’otage pour empêcher la femme de Napoléon – qui n’est autre que la fille de l’Empereur d’Autriche – de la rejoindre, etc. Les jours se ressemblent, les fêtes embrasent les nuits – couvrant les allées et venues des espions – et le colonel Campbell prend de plus en plus de liberté avec sa mission au point de partir sur le continent plusieurs jours retrouver celle qui le manipule par sa beauté et son érotisme endiablé…
Outre l’aspect historique d’un épisode peu connu, le plaisir de lecture s’amplifie au fil des pages grâce à un petit subterfuge que Rouart déploie habillement à chaque chapitre, cachant le sujet derrière le pronom, imposant une participation active pour découvrir qui se cache derrière il : voici donc une lecture participative, sans IA ni intervention numérique. Jean-Marie Rouart fait appel à notre culture, à notre mémoire – et tant pis pour les cancres – en saupoudrant quelques indices pour identifier l’impétrant, avant de le nommer plus loin, beau joueur à la compassion approuvée pour les victimes de l’oubli. Mais il convient tout de même d’être à jour sur le dossier N pour jouir tout son soûl de ce pétillant roman historique qui redonne joie au cœur : oui, la France fut un grand pays et les Français un grand peuple. On attend le jour où cela redeviendra d’actualité…

François Xavier

Jean-Marie Rouart, La maîtresse italienne, Gallimard, janvier 2024, 170 p.-, 19€
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