Philippe Sollers retourne à l’École du Mystère

Ouvrir un roman de Philippe Sollers procure toujours un léger frisson : on ne sait jamais ce que l’on va découvrir. Trame classique ou succession de saynètes ? Ici ce sera la seconde hypothèse qui se profilera, avec ce savant dosage d’érudition et de fiction. L’écrivain soliloque et nous présente Fanny, sa compagne aux multiples visages, maîtresse de toutes ses amantes, à tel point interchangeable qu’elle se conjuguera aussi au masculin. Théorie du genre quand tu nous tiens… époque du consensus où tout se ressemble, s’assemble et s’évanouit…

 

Gris conjoncturel qui se répand en vagues odorantes, gaz immonde de la négation de tout si bien qu’à force de ne plus croire en rien, de s’autoriser tous les possibles, quid du mystère ? Sans questionnement, sans quête, sans absolu l’Homme peut-il encore croire qu’il a un avenir ? Seuls les fats et les sots collés à leurs consoles de jeu abondent dans ce sens. Mais l’être doté d’un minimum de réflexion comprendra bien le danger de la situation. Au-delà de toute obédience stupide et bornée, la curiosité et la magie conduisent à structurer une architecture de pensée, donc de vie, du mystère des couleurs à celui des peaux qui s’aiment. Et d’amour aussi il en sera question, sous différents angles tant Sollers aimer brouiller les cartes, détourner les codes, affirmer sa totale liberté. Son appétit illimité pour la quête du Mystère…

 

Mais quel(s) mystère(s) ?

Le christianisme avec « treize disciples au début, un traître à point nommé, douze propagandistes plus ou moins inspirés, un refondateur énergique qui n’arrête pas d’écrire des lettres » ?

Le nihilisme si bien dépeint par Houllebecq dans Soumission qui provient de la superposition du manque d’imagination, de la « surdité et de l’aveuglement tenaces, mystère, de plus en plus abyssal, de la résignation à ne pas poser une seule vraie question » ?

L’ostracisme, si bien pratiqué ces derniers temps, notamment par le Premier ministre qui, en bon jacobin, s’en prend aux chrétiens. Oui, l’ostracisme, « voilà le problème, pratiqué à haute dose de tout temps, avec une brutalité variable. Vous êtes gênant, incrédule, acide, voire le meilleur ? Taisez-vous ! »

 

Roman pastiche, satire cinglante en cercles concentrés qui, d’espièglerie en forfanterie, s’élargissent pour embrasser le monde tel qu’il est et non tel que l’on nous le peint chaque soir dans un cortège de mauvaises nouvelles. Il y aurait de quoi angoisser, mais le bilan a déjà été dressé, les conclusions rédigées. Ne manque plus que la mise en pratique.

En effet, qui se souvient encore de cet éloge d’Epicure qui résuma, à sa manière, le De rerum natura de Lucrère ? « La vue humaine, spectacle répugnant, gisait sur la terre écrasée par la religion, quand, pour la première fois, un homme, un Grec, osa la regarder en face, et l’affronter enfin. »

 

Alors, soyons Casanova, qui exigeait de sa maîtresse d’être tout le temps gaie, « la tristesse me tue », soupirait-il entre deux baisers… Soyons fous, soyons vivants !

 

François Xavier

 

Philippe Sollers, L’École du Mystère, Gallimard, janvier 2015, 160 p. – 17,50 €

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1 commentaire

Blacky Mice

Je suis fasciné par l'énergie créatrice de cet homme qui est pour moi la référence en matière de style de notre époque