Anise Koltz, la somnambule francophone

Depuis son Grand Duché natal, Anise Koltz (née le 12 juin 1928) transcrit ses émotions par le triple prisme allemand, luxembourgeois et français. Ce dernier ayant une petite touche de favoritisme dans l’élan que la poète réserve au medium par lequel il semble bien qu’elle excelle dans son approche du réel. Plutôt que de tenter de trouver un sens à tous les petits moments de l’existence, elle vit l’instant présent et se laisse emporter par le tourbillon de la vie… Auteur d’une œuvre poétique importante, elle fut couronnée du prix de littérature francophone Jean Arp, en 2008.

 

Tiraillée par les ambiguïtés des émotions, Anise Koltz subit parfois sa poésie, plus qu’elle ne l’invente, avouant dans sa préface que sitôt une phrase écrite, elle est comme désorientée, et n’a qu’une envie : écrire le contraire. Sa poésie sera donc à double vantaux, comme ces portes de saloon que l’on pousse à la volée, jaillissant dans l’antre ainsi révélé, sans savoir où l’on met les pieds mais avec la ferme intention d’y aller, d’y demeurer quoi qu’il en coûte.

Rien à perdre, tout à gagner ; l’aventure est à ce prix.

 

Anise Koltz prendra donc position face au monde qui l’entoure, politiquement incorrecte parfois, faisant fi de cette mentalité actuelle du bisounours et ciselant ses vers très courts et rythmés dans une recherche d’efficacité. L’impact à la lecture est presque aussi fort qu’un haïku ; chaque mot est à sa place.

 

TOUT PERDRE

 

Aimer

c'est être mortel

et lutter contre

avec toi

 

pénétrer dans ta chair

en nageant

m’y mordre

et me posséder

tout perdre

pour continuer

à vivre

dans une peau

humide et calme

comme une grotte

 

La langue est sacrée, on doit la protéger car elle doit illuminer le monde…

Anise Koltz nous révèle que l’après, même dramatique, recèle une place pour que le désir s’épanche et s’élève derechef, soit dans le soulèvement de la discorde, soit dans la continuité d’une ambition. Debout, toujours.

 

François Xavier

 

Anise Koltz, Somnambule du jour – Poèmes choisis, Poésie/Gallimard, janvier 2016, 256 p. – 8,10 €

1 commentaire

anonymous

TOUT PERDRE

 

Aimer

c'est être mortel

et lutter contre

avec toi

 

pénétrer dans ta chair

en nageant

m’y mordre

et me posséder

tout perdre

pour continuer

à vivre

dans une peau

humide et calme

comme une grotte....tres Beaux.